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Un temps radieux, le même depuis déjà quelques mois. Il fait meilleur à l'ombre des arbres, où la fraîcheur est en partie conservée par l'épais duvet de feuilles vertes, mais les rayons du soleil de midi pénètrent même ici. C'est le calme plat, rien ne bouge. Du moins, à première vue. Enterré sous une racine d'arbre, un petit lièvre maigrichon. Il sera bientôt rejoint par un rat, tout aussi inanimé. Akiro était parti faire un tour de chasse, sans avoir de grande idée quand à où ramener son gibier. La plupart des guerriers du clan étaient encore en âge de chasser eux-même, les plus anciens ayant été emportés par la sécheresse.
Pour le moment, le loup jaune s'accordait une pause, engloutissant rapidement un morceau de gibier. Il chassait en solitaire, la chasse de meute n'ayant jamais été son style. Ou plus généralement, l'interaction de groupe n'avait jamais été son style. Il vivait dans un clan et pour un clan, mais personne n'avait encore pu se vanter d'être proche de lui. C'était un petit loup qui n'avait rien de spécial, la fourrure d'une couleur sale et le visage froissé, une silhouette élancée qui lui donnait un grand avantage à la course, une carrure fragile. Des yeux oranges. Aki est un loup plutôt antipathique, autant physiquement que par son caractère. Il s'écarte des autres volontairement, ne faisant confiance à personne, même pas soi même.
Le mâle s'étira avant de s'asseoir près de l'arbre, bien à l'ombre. Il avait besoin d'un peu de repos. Il n'allait pas dormir là, non, mais sa vigilance se relâcha un peu, sa tête baissé faisant ressortir ses deux omoplates autours de la peau de ses épaules. Il avait l'air méchant comme ça, ne ressemblait à rien. Ses yeux restaient grand ouverts, ses oreilles se tournaient au moindre bruit. Sa nature méfiante se montrait dans tout ses actes, toujours, quoi qu'il fasse. Remarquez, il était encore vivant, et plutôt intact, mis à part quelques cicatrices comme chacun en a. Il était guerrier, on pouvait parfois se demander pourquoi. Mais Akiro était fidèle à son clan, même si à première vue il ne semblait penser qu'à lui. Les seuls moments ou on avait plus intérêt à le laisser en paix étaient ses rares moments de folie, qui lui avaient coûté quelques temps chez le guérisseur dans sa jeunesse. Mais même ça, on avait décidé de l'oublier, ses crises s'étant faites rares et courtes.
Le loup jaune releva soudainement la tête, cherchant la source d'un bruit. Il se leva silencieusement, fouillant du regard les environs. Il sentait un louve qu'il devait connaître, mais les loups ne restaient pas longtemps dans sa mémoire, tous les mêmes à ses yeux. Il était jeune encore, n'avait pas beaucoup d'expérience mais savait déjà se battre, de son style bien à lui. Il avait une façon de se battre qui lui était propre, tout comme chacun, adaptée à sa construction fragile.
Akiro ne grognait pas ou peu quand il sentait ou voyait un loup ennemi, il préférait donner des coups rapides et répétés. C'était un combattant faible mais endurant, qui s'était spécialisé dans le harcèlement. Mais il n'allait pas avoir à se battre cette fois ci, reconnaissant enfin l'odeur de la louve qu'il n'arrivait toujours pas à discerner dans l'épaisse végétation de la petite forêt.

Une ombre, entre les arbres. Se faufilant avec agilité, esquivant avec une rapidité minutée les obstacles s'opposant à elle. Son trottinement infatigable ne laissait aucun répit à ceux qu'elle aurait pu poursuivre, car personne encore ne se trouvait devant elle, à fuir la mort à ses trousses. La silhouette sombre semblait faire partie du décor, au même titre que l'arbre ou la pierre. Discrète et silencieuse, son pas ne faisait qu'effleurer le sol lorsqu'elle s'y appuyait, sa présence passait inaperçue pour les animaux qui auraient pu être ses proies, à qui elle laissait la vie sauve aujourd'hui. Seules les broussailles dans lesqueles elle s'aventurait afin de se cacher la remarquait, ainsi que le vent léger qui transportait son odeur ténue à travers la forêt vaste. Enfin, il est temps pour moi de vous révéler que cette silhouette n'était pas une ombre, un esprit quêtant sa vengeance. C'était tout simplement une louve au pelage brun mêlé de noir, à l'oeil vif et aux sens aiguisés, qui était venue fouler les terres des boisés du Soleil, en cette fin de matinée annoncant un reste de la journée ensoleillé.

Quelle que soit la raison de sa présence en ces lieux, cette louve n'était pas n'importe laquelle, son rang et elle-même étaint très importants et à ne pas négliger dans son clan, celui des Syad. Keyra, car tel était son nom, n'était autre que la meneuse de sa meute, autre terme pour désigner le chef. Pour elle, ce grade ne voulait pas dire grand chose, ce n'est pas parce que l'on prétend être fort, qu'on l'est forcément, si vous voyez à peu près ce que je veux dire. Elle voulait faire ses preuves en tant que dominante, et qu'on la respecte pour ce qu'elle ferait, pas parce qu'elle arborait ce rang tant convoité pour son pouvoir. Les décisions qu'elle allait devoir prendre seraient d'une importance capitale, pas comme lorsqu'elle ne se trouvait que sous-chef, il y a peu de temps de cela. Les terres étaient déchirées par une guerre qui s'était proclamée récemment, mais le clan des Syad n'y prenait pas part. Keyra ne savait pas quoi en penser. Devait-elle se réjouir d'être neutre ? Ou au contraire de ne pas avoir d'avis ? Que de questions sans réponse qui tourbillonnaient dans son esprit indécis.

La brise légère qui soufflait à nouveau, pour le plus grand bonheur de ceux qui ne pouvaient supporter plus longtemps la chaleur du soleil au zénith, tira la louve de ses pensées. Elle était lourde d'effluves de la forêt, et pourtant une odeur qu'elle apportait à son sens olfactif n'était pas familière à ce cadre. Une odeur de loup, assez vague sur d'autres indices pour le moment. Elle décida de partir à la rencontre de son congénère, quelles qu'en soient les conséquences. Il ne lui passa pas à l'esprit de faire demi-tour, sans se soucier de la présence de cet autre loup, il fallait qu'elle le voit de ses propres yeux, peut-être représentait-il une menace pour les siens. Mais plus elle approchait, plus elle se détendit. Le loup en question portait l'odeur du clan des Syad sur lui, et Keyra se prépara à l'aborder sans essayer de le prendre par surprise. Elle reconnut en découvrant la silhouette du loup, Akiro, et le salua d'un signe de tête, arrêtant sa marche. Le jeune loup ne lui était pas inconnu, mais Keyra ne le connaissait pas personnellement.

La louve était sortie du couvert des feuilles et daignait enfin se montrer. Keyra avait été gâtée par la nature. Elle était forte mais discrète, agile et bien construite. Presque l'opposé parfait d'Akiro, petit, élancé et maigre, le poil jaune sale emmêlé et les eux orange et brillants de méfiance, à l'égard de tout et chacun. Il était rapide et endurant, certes, mais assez mal battis. Pourtant, il restait fidèle à son clan, même si la plupart des membres étaient pour lui plus un nom et un visage que quelqu'un qu'il connaît. Il ne portait aucun intérêt à l'amitié, à l'amour ou à l'affection. Il respectait les anciens et les supérieurs parce qu'on lui avait appris à en faire autant, mais ses relations sociales s'arrêtaient là.

Le loup jaune termina rapidement son en cas et enterra les restes rapidement avant de lever les yeux vers la dominante. Il était plus petit et plus jeune qu'elle et portait la tête plus bas, ce qui le forçait à monter son regard pour croiser le sien, mais ça ne le gênait pas plus que ça. Il était parfaitement habitué à sa petite taille et silhouette, et ce que pensaient les autres de lui lui était bien égal. Il resta quelques instants immobile à détailler la femelle, toujours prêt à faire un bond en arrière si besoin en était, mais se décida à rester à sa place. Il s'assit, toujours de la même façon, un peu cambré, jamais droit sur ses pattes, la queue roulée autours de son corps.

-'jour...

Il n'avait jamais su comment entretenir une conversation ou même saluer quelqu'un, hésitant toujours sur les mots à employer, l'expression à prendre. Il avait peur de trop s'ouvrir, de laisser des portes qui donnaient accès à lui. Il préférait être seul et agir seul, c'était sa vie. Il était seul même au milieu d'un clan et s'en accommodait très bien.
Le jeune mâle tourna une oreille, instinctivement, surveillant de cette unique oreille ce qui se passait dans son dos, pendant que l'autre restait du côté de la dominante, cherchant à l'écouter. Il avait du mal à imaginer qu'elle puisse s'être dirigée sur lui dans le seul but de le voir.

[Chuis désolé, panne d'inspi >.> ]

Akiro. Un nom que Keyra avait déjà entendu au sein du clan. En se baladant ici et là et en écoutant les rumeurs qui circulaient, ce qu'elle faisait à présent régulièrement, elle apprenait beaucoup de choses sur des congénères de son clan ou non, qui n'auraient jamais pu remonter jusqu'à elle en tant que chef. Au début, on hésitait à se confier à elle de peur qu'elle ne punisse les loups dont il était question, mais maintenant on lui parlait comme si elle n'était qu'une simple membre de la meute. Donc, en traînant l'oreille dans les conversations qui couraient, la louve brune avait du entendre parler une ou deux fois du jeune loup qui se trouvait en face d'elle. On disait qu'il ne prenait jamais part aux parties de chasse organisées pour tout le clan, et qu'il était plutôt du genre antipathique, à rester seul dans son coin à l'écart des autres. Personne n'avait réussi jusque-là à lui arracher une information sur lui de la bouche. La chef Syad ne donnait guère d'importance aux mauvaises langues prêtes à conter tous les défauts d'une quelconque personne, et pourtant elle les écoutait quand même, car on trouvait toujours dans leurs histoires ne serait-ce qu'une infime partie de vérité.

Et de toute façon, Keyra en savait bien plus sur les loups de son clan en écoutant les concierges, plutôt qu'en allant directement leur parler pour essayer de mieux les connaître. Il faut dire qu'elle n'était pas des plus douées lorsqu'il s'agissait d'être ouvert sur les autres et d'aller discuter avec eux. Avant d'accéder au rang de chef, elle ne s'était jamais souciée du fait qu'elle ne connaissait personne. Sérieuse et acharnée, elle n'avait jamais pris le temps de se faire des amis ou de se confier à quelqu'un. C'était en partie pour cela qu'on l'avait mal vue quand elle était montée en grade pour succéder à Natsmë. On avait en tête la louve certes excellente guerrière, mais également solitaire et réservée. Néanmoins, la louve au pelage brun arrivait peu à peu à briser les barrières qui la séparaient des autres, et tentait de faire connaissance avec tout le monde. Pourtant, face à un loup qui était presque autant renfermé qu'elle, elle se sentit défaite de tous ses moyens. Mais il fallait essayer quelque chose.

- Bonjour Akiro.

Que pouvait-elle dire de plus ? Certains loups étaient très doués pour ce genre de chose, c'est-à-dire débuter une conversation et la tenir jusqu'au bout, mais la chef Syad était exactement l'inverse. Son cerveau marchait à deux cents à l'heure pour trouver un bout de phrase qu'elle pourrait lancer pour ne pas montrer qu'elle était mal à l'aise. La brise souffla dans sa fourrure épaisse et la fit onduler comme des vagues. Un blanc s'installa entre les deux loups, où Keyra se sentit incroyablement confuse. Pourtant son regard fut attiré par les restes d'un repas hâtivement enterrés, au pied de l'arbre où se tenait Akiro. Enfin, elle tenait peut-être quelque chose à dire. À tout hasard, des mots sortirent de sa bouche, et soulagée, elle attendit la suite. Mais très vite, elle se rendit bien compte que c'était sûrement une des phrases les plus stupides au monde.

- La chasse a été bonne ?

Akiro se tenait les pattes avant légèrement pliées, le dos voûté et la tête levé pour garder le contact visuel avec Keyra, lui donnant cet air étrange, inquisiteur et désagréable. Il avait beaucoup d'habitude comme celle ci qui rendaient le temps avec lui long, tendu et plutôt désagréable. Certains détails lui étaient conscients, mais la plupart des choses, il ne s'en rendait même pas compte. Personne n'avait pris le mal de lui expliquer, et il n'avait pas cherché à comprendre. Il prenait ça comme sa vie, son propre choix. Il s'en moquait un peu. Pour lui, les situations délicates et les silences gênés n'existaient pas. Il ne sentait pas la tension qui se crée dans l'estomac des gens quand aucune réponse ne vient, quand quelqu'un te dévisage longuement, des choses qu'il faisait lui même inconsciemment. C'est pourquoi il prit son temps avant de regarder la racine sous laquelle était enterré le cadavre de lapin et hocher légèrement la tête, comme si il venait juste de commencer à réfléchir sur la question. Et que cette dernière était assez vitale pour qu'on y réfléchisse un bout de temps. Remarquez, il n'était pas taillé pour la conversation et ne savait jamais quoi dire, cherchant toujours l'arrière pensée dans la question. Oui, très méfiant. Paranoïaque même.
Mais visiblement, la question pouvait être répondue.

- Plutôt... Mais j'ai pas finit.

Doué pour les réponses quasi monosyllabiques. Il avait prit le temps de faire une pause pour manger un morceau, mais n'aimait pas manger en compagnie d'autres, pourquoi il avait rapidement englouti la fin de son en cas et l'avait enterré. La question est, qu'aimait il faire en compagnie d'autres? Pas grand chose. Il vivait au sein d'un clan. C'était un peu sa façon étrange à lui d'être social, vivre dans et pour un clan. Ou alors, il s'était simplement trouvé un moyen de donner un pauvre sens à sa vie, un point d'accroche pour se donner l'impression d'avoir quelque chose à chercher ici. Il ne savait pas. L'instinct peut-être, quelque part au fond de se âme, qui lui disait encore qu'il était fait pour vivre en clan. Qui l'avait convaincu à rester fidèle.
Le loup jaune tourna les oreilles vers l'arrière, entendant un petit bruit, gardant les yeux sur la femelle. Un craquement de branche anodin, sans importance. Une oreille se retourna vers la louve, tandis que l'autre restait fixement vers l'arrière, tremblante, toujours en mouvement. Multitask! Il était parfaitement concentré sur la louve, mais gardait aussi un oreille ouverte pour son environnement. C'était aussi l'une des raisons pour sa position plutôt repliée. Il n'était pas fort, ni solide de construction, mais pour ça il était assez agile et très rapide, malgré son apparence un peu gauche. Il avait des pattes disgracieusement longues et un corps léger qui lui permettaient de courir vite et bondir loin, et était endurant et acharné, les batailles et la chasse lui permettant de calmer efficacement les voix dans sa tête. C'était aussi une des raisons pour quoi il n'était pas très apprécié: sa folie. Elle était extrême et quasi constante quand il était encore plus jeune, un petit louveteau schizophrénique ne passait pas inaperçu tout de même. Depuis, il semblait s'être calmé, et l'était tant qu'il était occupé. C'est aussi pourquoi il chassait beaucoup et dormait peu, à des heures complètement aléatoires, pour remplir son temps. Pour ne pas en avoir, du temps libre. Parce qu'il était peut-être asocial, mais pas complètement abruti quand même. Il avait compris qu'il était le seul à être vu comme ça, qu'il devait avoir quelque chose. Mais pour lui, le danger était à l'extérieur. C'est aussi pourquoi il s'enfermait, pour se protéger.

Keyra fixa avec sérieux dans les yeux le jeune loup au pelage d'une étrange teinte jaune et sale. C'était une de ses caractristiques, aussi bien physique que mentale, d'être toujours sérieuse, neutre, concentrée, quelles que soient les circonstances. Mais comment pouvait-il en être autrement ? Enfant, alors que les autres louveteaux de son clan s'amusaient et auraient pu être ses compagnons de jeux, elle avait dû s'entraîner, encore et toujours, pour viser plus haut et plus loin. Telle avait été la logique dans laquelle ses parents l'avaient élevée, durant toute sa jeunesse. Certes, au début elle avait jeté des regards en coin aux petits loups nés la même saison qu'elle qui faisaient des courses endiablées ou des parties de cache-cache interminables, mais très vite la jeune louve avait suivi en tous points la formation de son père, et de sa mère. Ils lui avaient appris le respect de ses supérieurs, la fidélité envers son clan, l'intelligence dont elle devait faire preuve lors des combats, et lui avaient légué la force, la volonté et la bravoure, tout ce qui avait fait d'elle une grande guerrière respectée. La louve avait souffert d'un tel manque de sociabilité, elle qui aurait voulu inconsciemment vivre comme tout le monde, avoir des amis, des connaissances, être appréciée pour sa gentillesse et son savoir d'écoute. Mais n'était-ce pas grâce à ces sacrifices qu'à présent elle était chef, chef des Syad ? Ses parents, de là-haut, devaient être fiers de voir que leur fille unique était arrivée au plus haut rang de la société canine. Sans cet entraînement permanent, Keyra n'aurait pu vaincre toutes les responsabilités et les doutes du rôle de meuneuse, elle le savait et en était consciente. Alors, même si maintenant elle se rendait compte que son existence n'avait été que travail, elle remerciait le destin d'avoir mis ses parents sur sa route.

En voyant qu'Akiro était semblable à elle, du moins sur le fait qu'ils étaient tous deux méfiants et toujours sur le qui-vive, la louve brune s'assit lentement sur son postérieur, et enroula sa queue autour de ses pattes fines et musclées. Elle ne chercha plus à trouver un sujet de conversation quelconque, constatant que de toute façon son congénère n'y répondrait que par monosyllabes. Heureusement, ça tombait bien pour elle. Elle n'aurait pas à se creuser la tête durant de longues minutes pour dénicher une réponse qui n'ait pas l'air trop insuffisante ou au contraire dans laquelle elle racontait sa vie. Déjà, elle se sentait plus à l'aise et était naturelle, et se dit en elle-même que c'était très bien comme ça. Elle décida en quelques secondes qu'à présent elle prononcerait les paroles qu'elle avait vraiment envie de prononcer, quel que soit le loup qui lui fasse face. Après tout, à quoi bon cacher sa nature ? Elle était réservée, pas très sociable, et il fallait qu'elle l'assume. Les gens devaient avoir en tête l'image d'elle qui lui correspondait, et pas une autre.

- C'est ce que je vois...

Un ton sérieux et dénué de sentiments avait ponctué ces quelques mots adressés à Akiro. La louve brune cherchait à mieux cerner ce personnage qui faisait partie de son clan et qu'elle n'avait jamais croisé auparavant. Non pas qu'il ait l'air dérangé, mais il l'intriguait puisqu'il n'était pas commun aux autres loups. Vous allez me dire qu'aucun loup n'est commun aux autres, tous sont différents, mais le jeune loup semblait spécial aux yeux bruns de Keyra. Il était chasseur. Semblablement aux chasseurs, il voyageait à travers les terres dans l'ombre, fournissait au clan la nourriture dont il avait besoin, incognito. Personne ne se rendait vraiment compte de l'importance de ces loups qui parcouraient le territoire de long en large à la poursuite d'une proie. Sans eux, que serait un clan ? Sûrement une bande de guerriers affamés, et rien de plus.

La queue du loup jaune battait nerveusement l'air, de petits mouvements rapides qui montraient qu'il était parfaitement réveillé et vivant, les oreilles se retournant régulièrement, suivant les sons de la forêt. Mais ses yeux orangés étaient vissés dans ceux, d'un brun brillant, de la dominante Syad. Il avait la tête un peu levée, et n'importe quel spectateur aurait compris sa position vaguement accroupie comme une marque de respect. Mais le respect, même si il en avait pour Keyra et probablement pour tout les membres de sa meute, il ne le témoignait jamais, n'en étant pas vraiment conscient en première place, et il comprenait les marques, les gestes qui témoignaient du respect comme des portes ouvertes, comme une ouverture sur ses faiblesses. Il sentait bien l'antipathie ou le dégoût qu'il générait chez la plupart des loups. Il ne semblait pas y prêter d'attention, ce que pensaient d'autres de lui lui était bien égal. Mais il y répondait par une méfiance hors de proportion, me faisant confiance à personne même au sein de son clan, et n'avait laissé personne s'approcher de lui, autant émotionnellement que physiquement. Ça remontait à longtemps, son caractère ayant toujours été le même, bien que moins extrême maintenant.
Le loup jaune pencha la tête sur le côté, légèrement, essayant vainement de cerner la femelle, de deviner ce qu'elle pensait. Elle méritait clairement sa réputation, d'apparence forte et résistante, un visage sur mais pas confiant pour autant, des traits adultes et responsable, et très capable de camoufler ses émotions. Akiro n'était pas très doué pour comprendre les autres, pour percer leurs pensés, à part les pensés hostiles qu'il sentait très bien, voir trop bien dans certains cas, et tout e qu'il voyait de la louve était la force qui semblait émaner d'elle. Il se demanda une seconde d'où venait cette sûreté, et puis laissa glisser la question, n'étant pas vraiment intéressé en la vie des autres. Pas plus qu'en la sienne en fait.

Le petit loup n'avait en effet que très peu d'estime pour soi même, en partie parce que personne ne lui avait jamais témoigné d'affection ou d'intérêt dans un autre but que trouver ses faiblesses. Il en avait beaucoup, de faiblesses, qu'il camouflait du mieux possible. Il ne pouvait pas faire plus de deux ou trois choses à la suite sans en oublier quelques unes, n'accrochait peu voir pas du tout aux visages et aux odeurs. Il lui était déjà arrivé de se retrouver en face d'un loup et de ne pas se souvenir de lui. Il ne connaissait pas grand monde, dans ou en dehors du clan. Il pouvait reconnaître l'apparence ou l'odeur de la dominante et du sous-chef, connaissait le dernier guérisseur pour l'avoir beaucoup fréquenté dans son enfance, et c'était à peu près tout. Oui, il avait passé assez de temps chez le guérisseur, pour guérir la maladie que sa mère avait et qui l'avait emporté avec ses deux sœurs, et probablement pour le calmer. Si ça avait aidé reste encore à prouver, mais ce qui était clair, c'est qu'il avait survécu.

Akiro resta un moment à fixer la louve, complètement inconscient du fait que ça pouvait être très mal pris. Il n'avait rien à dire et ne cherchait pas à s'expliquer, à démarrer une conversation. Il avait compris que la louve se trouvait dans la même situation, mais ça ne le dérangeait pas le moindre du monde. Les silences lourds faisaient partie de son habituel, n'étant pas fait pour donner des réponses faciles. Il fallait soit être très bavard, soit très patient pour tenir une conversation avec lui. Il donnait toujours l'impression d'écouter, étant toujours alerte en présence d'autres, mais n'aidait pas vraiment à rendre l'atmosphère confortable. Au contraire, toujours tendu, sa nervosité un peu spéciale se communiquait facilement aux autres. Mais Keyra semblait faire partie de ceux qui supportent bien ce genre de situations, de longs silences sans autres interruptions qu'un craquement occasionnel de branche ou le bruit du vent dans les feuilles loin au dessus de leur têtes.
En parlant de feuilles, l'une d'elle décida que c'était le bon moment pour se décrocher et virevolter pour passer juste à côté du museau du loup jaune, qui recula la tête de quelques centimètres à une vitesse impressionnante. Si il n'avait rien à envier côté social et physique, il était alerte et rapide. Fragile, certes, mais parfaitement réveillé, prêt à réagir au moindre mouvement, au moindre danger.
Non, les feuilles ne comptent pas encore comme danger...

Keyra plissa légèrement les yeux, presque imperceptiblement, comme lorsqu'elle essayait de se concentrer sur quelque chose. Ici, c'était très sûrement le jeune loup qu'elle tentait de cerner, de deviner les intentions et les pensées. Il était né au sein du clan Syad, mais elle ne l'avait jamais rencontré auparavant, avouez que c'est étrange. Soit décidément elle ne portait son attention sur personne sans s'en rendre compte, soit c'était lui qui cherchait à n'être aperçu d'aucun congénère. La deuxième proposition était la plus probable. Il suffisait de le voir pour comprendre qu'il était antipathique, avec son pelage jaune et sale, son air nerveux et effacé. On aurait pu croire que le silence pesant qui s'était installé, brisé de temps à autres par les bruits de la forêt, incommodaient les deux loups, mais il n'en était rien. La louve brune avait tout son temps, et continuait d'observer Akiro avec lenteur et patience. Son but n'était pas encore de lancer une conversation pour voir comment il réagirait, en attendant elle notait tous ses faits et gestes. Tandis qu'elle était d'une incroyable immobilité, ne bougeant que pour respirer, le jeune loup qui lui faisait face remuait sa queue par de petits gestes saccadés et réguliers, et ses oreilles pointaient avec nervosité dans tous les sens, comme s'il guettait un danger proche et invincible.

Et lorsqu'une feuille se détacha lestement de son perchoir et vint tourbilloner dans les airs avant de passer à quelques centimètres du museau du loup, sa tête recula vivement avec surprise. La chef Syad fut étonnée par tant de réflexe de la part du loup jaune qui avait repris sa posture habituelle, et arqua un sourcil. Lui l'observait également, ses yeux orangés fixés dans les siens. Ce regard aurait pu en déstabiliser plus d'un, mais Keyra ne cilla pas d'un sil et le soutint d'une plus grande force encore. Sa curiosité était piquée au vif, et elle désirait plus qu'autre chose en apprendre davantage sur le jeune loup. De retour au camp, elle irait voir le guérisseur, car il lui semblait qu'Akiro y avait passé beaucoupp de temps dans sa jeunesse, enfin lorsqu'il était plus petit. En attendant, elle décida de sortir de sa position de statue des glaces et se remit debout, pour s'étirer de toute sa longueur. Elle gardait dans son champ de vision son congénère, pour ne pas le quitter des yeux une seconde.

[ RAH, post nul, je sais. Mais la flemme d'écrire mêlée au manque d'inspiration, ça donne ça... ]

[Si ça c'est nul, je vais me faire étriper assez tôt x) ]

Le loup jaune continua de détailler silencieusement Keyra, sans faire le moindre mouvement pour prendre la parole ou même faire quelque chose, mis à part suivre les bruissements de la forêt par de rapides mouvements des oreilles. Il se recula un peu quand elle s'étira, gardant ainsi une petite distance de sécurité entre eux. C'était en partie pour ça qu'il était aussi impopulaire, sa méfiance, non, sa paranoïa spectaculaire. C'était aussi l'une des choses qui caractérisèrent sa maladie. Il leva sa tête, ses omoplates retournant à leurs places respectives, ne moulant plus ses épaules. Il n'en était pas plus beau, mais au moins son dos avait une forme normale. Il ne quitta pas la femelle des yeux une seconde, et elle en fit de même. On aurait pu croire à un concours de "qui cille le premier", en moins drôle. La dominante essayant de comprendre le cas social en face d'elle, et ledit cas social la surveillant elle et leur entourage proche pour éviter qu'un danger invisible ne se jette sur eux. Mais il y avait une raison pourquoi Akiro, pourtant guerrier à la base, passait le plus clair de son temps à chasser, ne dormant que le minimum vital. Il avait besoin de faire, d'agir, d'être occupé pour distraire son esprit, pour oublier ce qui se passait dans sa tête. Pour faire taire ses ennemis invisibles.

Le jeune mâle laissa subitement échapper un un petit gémissement court, rétractant sa tête et fermant les yeux. Une fraction de secondes seulement, il relâcha son attention, avant de rouvrir brusquement les yeux, parfaitement réveillé. Il observa la femelle quelques instants, ayant l'impression d'avoir montré un de ses côtés qu'il préférait garder pour soi. Irrité par son inattention, il se leva et courba l'échine, qui produisit un craquement sonore, avant de se mettre debout normalement, les yeux toujours fixés sur la femelle. Il recula de quelques pas puis se retourna, cherchant l'odeur d'un quelconque gibier à pister, d'un lapin, d'un rat, n'importe quoi, mais quelque chose pour qu'il n'ai plus à faire face à la dominante sans rien dire, sans bouger autre chose que ses oreilles et la pointe de sa queue. Quelque chose au fond de lui lui faisait remarquer qu'il avait peut être intérêt à s'excuser, mais il en décida autrement. Il allait se retrouver dans le même silence et n'en avait pas envie. Non pas que le silence ponctué par les légers bruits de la forêt le gène, il y passait le plus clair de son temps. C'était l'inaction qui le pesait, qui laissait une porte ouverte quelque part qui ne devait jamais l'être.

Une fois debout et ses muscles décontractés après un long étirement, Keyra continua d'observer le jeune loup avec un calme neutre et indifférent. Elle avait très bien conscience que son attitude ne manquait pas d'agacer et d'énerver Akiro, par son immobilité constante et son manque d'action, mais elle ne fit rien pour produire l'effet contraire chez son congénère. La tête légèrement penchée du côté gauche, c'était à son tour de faire de petits mouvements de la queue, cependant moins vifs et éveillés que ceux du loup, étant plutôt lents et comme réfléchis et minutés, on aurait dit que leur trajectoire exacte avait été prévue longtemps à l'avance. Malgré sa curiosité poussée à bout, elle ne montrait rien de ce qu'elle ressentait, se contentant d'arborer un air impénétrable et impossible à sonder. À l'instar du jeune loup, c'était cette particularité de son caractère qui faisait qu'on aimait que peu se retrouver en sa compagnie. On ne pouvait jamais deviner ce qu'elle pensait vraiment, et portait sans cesse un masque en présence des autres, qui camouflait sa véritable personnalité. Elle n'était presque jamais naturelle, sauf lorsque le courant passait tout de suite bien avec quelqu'un, cas qui n'était que très rare. Alors elle était solitaire, et parcourait les terres qui l'avait vue naître avec la nature comme seule compagne.

Mais ce n'était ce qui la dérangeait. Un beau paysage, une course à travers l'infini suffisaient à lui faire oublier sa solitude depuis toujours, depuis toute sa vie. De nombreuses personnes auraient souhaité la connaître mieux et se retrouver en sa compagnie, mais pour la plupart ce n'était que pour gagner de l'importance au sein du clan. Ceux-là, la dominante repoussait leurs demandes incessantes avec gentillesse, sans les frustrer, et par la suite elle s'en allait chasser, seule comme tout le temps. Si par ailleurs un loup se montrait plus tenace que les autres et venait l'espionner à son insu, Keyra se mettait en colère et lui faisait comprendre qu'il devait dégager au plus vite. Elle était tolérante mais il y avait des limites à sa patience. En repensant à tout ça alors qu'elle était encore en train de fixer Akiro, la louve brune tourna la tête et ôta son regard du jeune loup. Après tout, elle était en train de lui faire ce qu'elle détestait qu'on lui fasse.

Elle resta indifférente à son gémissement, ne lui portant pas attention, et attendit que son congénère ne lui fasse plus face. Elle lui pardonnait d'avance de s'être retourné et de ne pas s'être excusé en conséquent. Avec lenteur et précautions, elle esquissa un pas vers lui après avoir compris qu'il cherchait l'odeur d'une proie à traquer, première étape de la chasse. Un noeud se fit dans la gorge de la dominante, puis elle brisa les barrières qui se trouvaient entre les deux loups, et se mit à l'imiter, humant délicatement la brise pour trouver l'effluve d'un quelconque animal.

Le jeune loup essayait de ramener toute sa concentration sur son environnement, ignorant avec obstination la douleur sourde dans sa tête. Il avait intérêt à aller s'enterrer dans un trou un de ces jours suivants et dormir un peu, l'insomnie commençait à le peser et avec elle d'autres dangers qu'il voulait éviter à tout prix parce qu'il deviendrais vulnérable et qu'il avait horreur de ça.
Il flairait donc l'air qui l'entourait, gardant une oreille dans la direction de la dominante et l'autre se tournant nerveusement pour écouter les moindres bruits. Il courba l'échine et les pattes avant, rapprochant son museau à quelques millimètres du sol, ou l'on sentait la mousse et la terre, les feuilles, les champignons, des traces diverses et variées, plus ou moins anciennes. Du gibier de toutes les tailles, de tout les âges, des prédateurs aussi. Tout le monde foulait le même sol, et d'une manière obscure, cela le rassurait vaguement, bien qu'il refuse obstinément de l'accepter.
Finalement, il trouva une piste qui lui semblait plus fraîche que les autres. Il avait eu de la chance probablement, parce qu'avec la chaleur, les proies avaient tendance à se cacher pendant l'après-midi. Le loup suivit l'odeur sur un petit bout de forêt, convaincu maintenant que le rongeur en question était un rat. Sa tête le faisait moins souffrir maintenant qu'il avait trouvé quelque chose sur quoi se fixer, quelque chose pour occuper son esprit trop actif. Son museau vint se retrouver devant un trou dans le sol. Fausse piste. Il en avait l'habitude, passant ses journées à chasser, à chercher quelque chose à manger pour le clan, et se trouvait régulièrement dans une impasse. Il ne chassait d'ailleurs que du petit gibier, restant prudent face à la force qu'avaient certains gros mammifères. Il ne comptait pas encore donner aux autres le plaisir de le voir disparaître, et en conséquent, restait prudent.

Akiro releva la tête, cherchant des yeux la dominante qui, quelques instants plus tôt, se trouvait encore à ses côtés. Cette fois, il repéra son odeur un peu plus loin, le vent soufflant dans sa direction. Autant dire que s'il restait là, il n'allait pas trouver grand chose. Le loup jaune trottina un peu plus loin, le museau au vent, une oreille repliée en arrière. Il s'immobilisa quand une autre odeur, tout aussi familière, lui arriva. Un lapin qui ne devait pas être loin. Prudent, le jeune mâle s'accroupit au sol, le nez au vent, cherchant à trouver la position exacte de son potentiel futur repas du soir qui ne se doutait pas du rôle ingrat qui venait de lui être assigné. Ce dernier se trouvait être en train de sagement grignoter quelques mauvaises herbes un peu plus loin, parfaitement inconscient de son tragique destin. Bien que tout ça, Akiro n'y avait même pas réfléchit une seconde. Pour lui, la mort des autres représentait sa vie à lui, et c'était tout. Quand il se trouva à un bon mètre du lapin, ce dernier releva la tête, jetant des regards inquiets autours de lui. C'est le moment que choisit le loup jaune pour bondir de sa cachette comme un diable de sa boitte, au propre comme au figuré. La petite boule de poils prit aussitôt ses jambes à son coup, cherchant désespérément à s'échapper de l'autre côté. Il réussit à faire quelques pas avant que son poursuivant ne lui tombe lourdement dessus, ses crocs se refermant sur ses côtes fragiles, les brisant immédiatement.
Le jeune mâle releva la tête, surveillant ses environs avant de mettre fin aux jours de la petite bête du claquement sec de mâchoires. Il n'était pas très fier de sa prise, considérant qu'il s'était fait repérer trop vite et que la manœuvre avait été trop risquée. S'il n'avait pas visé juste, il se serait simplement étalé le museau en premier dans la terre, et puis c'est tout. Certes, son museau était plein de terre et de sang, mais au moins, il avait à manger.

Akiro trotta rapidement vers la souche d'arbre sous laquelle il avait enterré ses quelques autres prises et laissa mollement tomber sa proie avant de relever la tête, ses oreilles se tournant pour entendre le moindre bruit, son museau reniflant l'air pour trouver la trace de quelque danger qu'il soit. Il ne parvint pas à trouver la position de Keyra, mais ça ne l'étonnait pas. Elle n'avait pas été élue dominante pour rien. De loin, il avait entendu d'autres loups parler d'elle avec crainte et respect, louer sa force physique et son caractère. Il n'en connaissait rien lui même, n'ayant pas vraiment appris grand chose pendant ce petit face à face qu'ils avaient eus...

Tandis que Akiro sondait le sol pour trouver la piste d'une proie, Keyra interrogeait le léger vent qui soufflait sur elle, faisant onduler sa fourrure brune et dense. Toutes les effluves des boisés lui parvinrent en masse, l'odeur du feuillage des arbres mouillé par la dernière pluie, un tronc d'arbre mort dont les insectes phytophages s'occupaient de la lente décomposition, des traces d'animaux qui étaient passés par ici il y a quelques jours... Mais rien d'autre de très intéressant n'indiquait au sens olfactif de la dominante la présence d'une potentielle proie. Elle fit un ou deux pas, toujours le museau levé, mais n'obtint rien de plus satisfaisant. Entre temps, le jeune loup à ses côtés semblait avoir trouvé pour sa part une piste plus fraîche que les autres. La louve le laissa se débrouiller et désormais ne lui porta plus attention. Sachant que ce n'était pas en restant immobile qu'elle trouverait de quoi manger, elle s'éloigna d'Akiro et se mit à parcourir la forêt seule. Puisque son flair n'avait pu la renseigner, elle faisait confiance à son ouïe aiguisé pour se charger de la tâche difficile qu'était de dénicher une proie. Des bruits jusqu'aux plus imperceptibles rentraient dans ses oreilles, lui fournissant des informations sur l'univers qui l'entourait. Soudain, entre deux chants d'oiseaux, un craquement sourd de branche se fit entendre. S'arrêtant dans sa marche et se redressant de tout son long, Keyra inspecta l'horizon en plissant des yeux. Bien sûr, elle ne put rien voir à travers les arbres nombreux des boisés, mais huma à nouveau la brise. La réponse attendue ne se fit pas prier pour venir. Un lièvre adulte se trouvait à quelques mètres.

La dominante ne se précipita pas sur sa proie, au risque de la faire fuir et de ne pouvoir l'attraper. S'aplatissant contre le sol, tête basse et membres fléchis, elle avança doucement et avec lenteur vers le lièvre. Les animaux de cette espèce étaient assez rares bien que présents dans la fforêt, tout comme leurs cousins les lapins, beaucoup plus répandus et relativement faciles à chasser. Les lièvres étaient aussi un peu plus grands et gros, bien que leur chair ait un goût moins tendre et appétissant. En revanche, c'était d'habiles coureurs, qui pouvaient distancer un loup sur une ligne droite en quelques bonds prodigieux. Mais ils n'avaient cette intelligence et cette logique pour échapper à ces terribles prédateurs qu'étaient les loups. Keyra n'était plus qu'à trois ou quatre mètres de sa proie, qui ne s'était aperçue de rien, faisant sa toilette quotidienne comme ci de rien n'était. La brise s'était arrêtée, pour le plus grand bonheur de la chasseuse, qui n'avait d'yeux à présent que pour le lièvre. Elle était toute proche du but, prête à bondir sur sa victime, lorsque sa patte se posa malencontreusement sur une feuille sèche qui évidemment se craquela non sans bruit. Le lièvre cessa son activité, fit marcher son petit nez et s'aperçut de la présence du prédateur. N'hésitant pas un instant, il détala aussi vite que possible. La louve brune pesta mais s'élança aussitôt à sa poursuite. Courant à perdre haleine, elle ne voyait que les deux longues oreilles qui allaient lui échapper... Puisant dans les dernières ressources de ses muscles, elle accéléra l'allure et se trouva presque à la hauteur du lièvre qui n'avait d'autre choix que de zigzaguer entre les arbres pour semer la chasseuse. Mais à ce jeu-là, Keyra était la plus douée. Quelques instants plus tard, et elle bondissait sur sa proie, l'achevant rapidmeent en un seul coup de croc. Au moins, le lièvre n'aura pas souffert en mourant.

Ayant cessé sa course d'un seul coup, elle reprit son souffle une minute, réapprovisionnant son corps en oxygène nécessire à sa bonne fonction. À ses pieds s'étendait sa proie bien méritée, qu'elle allait rapporter plus tard au camp des Syad. En attendant, elle décida de rejoindre Akiro là où le jeune loup avait enterré ses précédentes proies. Prenant le lièvre entre ses mâchoires, la louve huma l'air ambiant pour situer sa localisation par rapport à son congénère. Elle trottina quelques bonnes minutes, ne cessant de s'informer sur sa position, et essayant de trouver celle du loup au pelage jaune. Lui aussi avait sûrement déniché de quoi manger, Keyra n'en doutait pas. Si elle ne le connaissait pas plus que ça, elle savait qu'il rapportait souvent de la nourriture pour les guerriers et les jeunes louveteaux du clan. Vint le moment où elle aperçut enfin l'arbre où s'était trouvé Akiro lorsqu'elle l'avait aperçu pour la première fois. Elle chercha à ne pas le laisser découvrir sa présence tout de suite, masquant du mieux qu'elle put son odeur grâce au vent qui soufflait contre elle, lui apportant nettement l'odeur du guerrier chasseur. Ce ne fut que lorsqu'elle entra dans le champ de vision d'Akiro qu'elle ne tenta plus de se cacher.

Le jeune loup ne repéra la femelle que quelques instants avant qu'elle ne pénètre son champ de vision, et ça le rendait nerveux. Elle était plus forte et plus expériencée que lui, et semblait s'amuser à s'approcher à pas de velours sans se laisser repérer. Il se retourna rapidement, jetant un regard à la dominante avant de commencer à creuser le sol pour y faire un joli trou dans lequel il comptait mettre le gibier avant de le ramener au clan, bien qu'il hésita un instant. Il avait chassé toute la journée, comme d'habitude, et avait eu assez de chance cette fois ci. Il aurait du mal à tout transporter si il attrapait plus, et n'avait pas envie de faire plusieurs aller-retours.
Sur ce, il déterra simplement ce qu'il avait tué avant, une oreille vers la dominante, l'autre suivant les moindres bruits de la forêt. Certes, il voyait le danger là où il n'y avait rien, se méfiait de ses alliées. Mais lui, il sait qu'on ne peut être trahi que par les siens. Si il ne s'entoure pas, il ne risque donc rien...

C'est un point de vue plein de défauts, plein d'erreurs et de failles, certes, mais c'est le point de vue d'Akiro. Il avait lui même manqué d'affection, en partie parce qu'on était convaincu qu'il allait mourir bientôt. Le louveteau avait pourtant survécu, enfin si on pouvait appeler ce tas d'os sans raison d'être vivant. Preuve est faite, il savait chasser, plus ou moins bien selon le point de vue, se déplaçait et parlait, peu certes, mais quand même. Il dormait aussi, pas souvent, certes, mais il dormait. D'ailleurs, sa réaction quelques temps avant montrait qu'il avait besoin de sommeil bientôt. Il espérait simplement qu'il ne s'endormirait pas sans sommation, d'un coup. ça lui était déjà arrivé après avoir ignoré expressivement son besoin. Quand il se serait séparé de la dominante, il se trouverait un coin sec, loin et à l'ombre pour faire une sieste rapide. On pouvait lire sur son visage le besoin de plus en plus pressant de fermer les yeux si on le détaillait avec beaucoup d'application, mais pour la majorité de la population, il devait avoir l'air aussi réveillé et nerveux que d'habitude. Y avait il une rumeur sur son sommeil pratiquement inexistant? En fait, ça lui était parfaitement égal.

Le gibier étant déterré, le loup jaune prit ses proies dans sa gueule. Il avait une gueule assez grande (au sens propre bien sûr) pour tout transporter d'un coup, mais son cou émit un léger craquement de protestation quand il leva sa tête. Résigné, il laissa la lièvre pour ne prendre que les deux autres bêtes qu'il avait attrapées pendant la journée. Il faisait plusieurs allers et retours d'habitude, surtout quand il dénichait des proies un peu plus fournies que celles là, mais il n'avait pas envie cette fois ci, pressé d'aller dormir quelque part. Tranquille. Keyra étant dominante du clan, la chasse lui revenait un peu, non? Il n'avait pas l'habitude de demander de l'aide aux autres, mais cette fois ci, il aurait fait son travail...

-...
Tu peux le prendre?