» Drakar .. †

† Drakar
Ow Bury Me, Please...
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feat. grey wolf
» Drakar .. † 090222083327347852

» Nom : Drakar
» Surnom : Drake
» Âge : Indéfini
» Sexe : Masculin
» Clan : Aluria
» Rang : Esprit

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Il ne faisait l'ombre d'un doute que cette rencontre changerait ma vie et mes songes à jamais. Cela fait pourtant des millénaires, des années que mon esprit a quitté mon corps et pourtant je me souviens parfaitement des moments le concernant, lui. Un témoignage qui ne se fera sûrement pas unique. Mon ultime espoir. Le dévoilement d'un être cher en quelque sorte... Le dévoilement d'un être que j'aimais. Mais qui étais-ce, déjà ?...

Physique

« Je n'ai jamais oublié ce regard. Peut-être n'avait-il pas lieu d'être décrit. Peut-être mieux vaut-il ne pas croiser le sien. Mais ce qui m'avait le plus frappé en l'observant, c'était ses yeux. On n'oublie pas de tels yeux. Des yeux rougeâtres, telles des braises ardentes, et pourtant d'une profondeur angoissante, enivrante - tout en lui donne l'impression d'un feu doux et calme, d'une douceur infinie et d'une intelligence profonde, une sensibilité rare et perceptible... Derrière ce regard se cachait pourtant quelque chose ; il suffit d'une simple brise pour qu'un feu devienne un incendie. Et c'est peut-être son cas. Son apparence calme n'est que trompeuse, elle n'est que son masque. Sa douceur n'est que façade. Pourtant il était très charismatique. On pouvait comprendre rapidement qu'il était l'un de ses loups qui ne finissait jamais seul. Un conquérant né, un dominant, un battant - et peut-être même un prince. Il donnait cette impression aristocrate de briller quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse. Ses mouvements sont toujours fluides, souples. Chaque pas qu'il fait semblent fantomatiques, pesés, comme une scène de théâtre se déroulant sous nos yeux... Son pelage, d'un gris foncé terne, est pourtant agrémenté de reflets argentés et dorés lui allant à ravir. Sa fourrure est soyeuse, légèrement longue, douce et bien entretenue. Son corps, musclé, rayonne tandis que ses muscles s'étirent et jouent avec son corps. Lorsqu'on le voit, il n'y a pas que son charisme et sa beauté figurative qui frappent ; c'est aussi son assurance dans tout ce qu'il fait, ses épaules plutôt larges, ses longues pattes musclées et ses cicatrices couturant son pelage... Tout ce qu'il est représente le guerrier noble à l'état pur. Un diamant brut. Son museau, plutôt fin et long où s'installe bien souvent un beau sourire narquois n'est que légèrement entaillé. Malgré ce portrait, on le voit plus dormant paisiblement à l'ombre d'un cerisier au milieu d'un champ de coquelicots qu'au combat. Pourtant beaucoup, morts il y a de cela des années et des années, ont vus ce combattant agguéri déchirer avec joie, jubilation même la chair ennemie, faire couler le sang à flots et s'en abreuver, pris d'une folie meurtrière... Drake. Je me souviens de son nom désormais ; on l'appelait Drake. On l'admirait pour son physique divin. On lui souriait, on aimait sa personnalité rayonnante et chaude tel un brasier, on aimait être son ami et partager des moments intimes avec ce populaire guerrier. On admirait ses traits fins, bien marqués et pourtant solides. Sa fierté, son poitrail bien exposé, sa marche lente et silencieuse pourtant si caractéristique qu'on lui enviait en silence, qu'on admirait tandis qu'il déambulait sans se rendre compte de l'effet qu'il produisait, laissant derrière lui un doux parfum et des yeux pétillants de remords de n'avoir pensé à l'interpeler. Tout ceci vous laisse peut-être perplexe - pourtant, en croisant son regard, j'ai ressenti ces mêmes sentiments assaillants dans le temps ses fanatiques. Il n'a pas changé. Peut-être semble-t-il plus sombre, plus déterminé et volontaire. Peut-être son sourire s'éternisera-t-il encore au bout de son museau, peut-être... Je ne peux affirmer que cette description physique est la véritable. Je peux simplement le supposer. Il n'est jamais trop tard pourtant pour vérifier, non ?... »

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Ma mémoire revient petit à petit, réduisant en cendres mes espérances. À présent je peux l'imaginer face à moi me décerner l'un de ses sourires charmeurs me faisant tant fondre à l'époque... J'aimerais tant pouvoir me retrouver de nouveau face à lui. Qu'étais-je pour lui, déjà ? Qui était-il ? Le puzzle se reconstitue petit à petit, je peux à présent affirmer une chose... Drake était unique.

Caractère

« Peut-être que le fait d'être parfait est finalement une bien lourde tâche. Une bien lourde tâche qu'on se doit de supporter tête haute, le sourire radieux, les yeux pétillants de fierté. C'était peut-être sa simple nature qui a fait de lui un être redoutable - ou même sa fonction, qui sait ? Quelles sont les origines d'un tel mal intérieur, d'une haine si profonde qu'elle brûle en lui comme un incendie, allant jusqu'à devenir tel un doux nectar dans ses entrailles ? Drake n'a jamais été quelqu'un de stupide. Je pense, au contraire, qu'il a toujours été voué d'une intelligence très grande, torturant parfois son esprit de questions, l'assaillant de milles réponses cohérentes à la suite. Le fruit d'une sombre machination... Peut-être que finalement Drake avait compris. Et c'est là que son caractère s'est formé, cette façade lugubre le séparant de deux mondes, un monde dans lequel il est le Dieu et l'autre dans lequel il est le Diable. Deux masques lui allant à ravir à vrai dire. C'est ainsi qu'a commencé sa douce quête de personnalité... En vérité, je songe plutôt à dire que Drakar était quelqu'un de facilement manipulable. Il se laissait facilement avoir, et à force d'être pris, il en a obtenu une source suffisante d'informations afin d'éviter ces pièges, de les surmonter, et parfois même de les contrer... Il est devenu manipulateur. Un manipulateur délibéré attendant simplement que ses pions se placent sur son échiquier avant de commencer une partie. Il n'a pas besoin d'user de grand-chose pour parvenir à ses fins, son physique joue beaucoup. Ses sourires ravageurs, sa popularité, sa sympathie qu'il nourrit gaiement suffisent amplement. Un regard profond pour soumettre son adversaire. Un seul regard peut finalement faire la différence dit-on. Mais au final, tant de douleurs, tant de souffrances cachées qu'à force de les multiplier on en devient insensible. Comme si elles n'existaient pas, appuyaient de tout leur poids sur son âme jusqu'à l'en défaire. Drakar est quelqu'un d'insensible. Même s'il use souvent de son sourire narquois, ravageur, il n'en est que plus faux. Il n'aime plus depuis bien longtemps, il a perdu toute trace d'humanité - d'un sens, il est normal qu'un être censé être mort depuis longtemps ait perdu son chemin en route, cependant lui l'avait déjà semée bien avant... On dit que Drakar est quelqu'un de particulièrement calme et patient. Cela vous fait rire ? Il est vrai qu'on imagine mal l'ancien meneur Aluria, le tout premier, celui qui manipulait le feu, celui qu'on disait le plus impitoyable, le plus « brûlant » de mépris et d'envie, celui qu'on imagine bien tel un feu follet se jeter sur le premier venu dormant paisiblement entre les racines d'un arbre mais en vérité, les loups d'à l'époque le voyaient plutôt ainsi. La légende n'est cependant pas infondée, rassurez-vous... Car en vérité, même s'il a l'air inflexible, Drakar est d'une impulsivité étonnante. Il peut être adorable, sympathique et même aimable sur le coup puis, soudainement, vous sauter à la gorge ou montrer les crocs ! La colère brûle en lui. Une fois qu'il y a goûté, il ne peut plus s'en passer, s'arrêter, telle une drogue ; il devient incontrôlable. Dangereux. Et pourtant il dégageait toujours ce parfum enivrant dont tout le monde s'affichait sans risques... Il n'était l'ennemi que des autres, jamais du clan, sûrement l'être le plus fidèle. Et ce n'est pas étonnant puisqu'il en a été désigné pour être le meneur dès sa conception, lui, modèle de témérité, de courage donc mais également de folie. Tant que chacun restait fidèle au clan, Drakar était quelqu'un de très sage envers les siens, les défendant contre les autres, s'occupant d'eux avec le calme d'une petite flamme de bougie... cependant, il ne ménageait pas les traîtres. Pour lui, toute traîtrise laissait place à un être corrompu et il prenait plaisir à supprimer ces êtres indignes de faire partie d'Aluria. Personne ne se plaignait de ce comportement évidemment qu'on trouvait d'une normalité compréhensive. Les traîtres ne firent pas leur apparition jusqu'à la fin de son règne sûrement. Il maîtrisait avec droiture et justice les siens, brûlant d'ardeur et de volonté, prêt à tout pour conquérir de nouvelles terres. Un empereur né. Un conquérant fait pour gagner. Sa force impulsive était sa plus grande arme - elle l'est sûrement encore. Il terrassait parfois plus gros que lui et repartait fièrement, le corps couvert de sang. Une fierté et un orgueil sans pareil. Drakar n'a jamais changé de ce côté-là, mais sa haine qu'il a appris à apprécier l'a poussé à l'extrême. La cruauté, le supplice ; aucune pitié pour ce général prêt à tuer tout ennemi se mettant sur son chemin ! Adulé par les siens, il n'a jamais vu le mal dans ses actes. Qui pouvait se plaindre de toute évidence ? Il était sûrement l'être le plus dangereux des lieux. Il comptait sur les siens, sa popularité était son seul plaisir, le fait d'être aimé le faisait frémir de joie. Drakar avait tant espéré cet amour qu'il en était devenu dépendant. Si ses compagnons étaient à ses côtés, il était prêt à écorcher n'importe qui pour qu'on hurle son nom dans ses troupes. Oui, c'était ainsi qu'il fonctionnait. Ces années déchues de solitude ont-elles modifiés cette gloire sans pareille ? Sait-il seulement que les siens l'ont rayés de l'Histoire à cause des Dieux, que ses descendants les plus dignes ne connaissent même pas son existence ? S'il le savait, que ferait-il ? Prendre la tête du clan serait sûrement son premier acte, oui. Retrouver sa gloire, ses compatriotes, reprendre les rênes et enfin s'écarter de ces années insolites. Faire brûler encore, calciner de la chair. À mon avis, Drakar n'a dû faire qu'empirer, seul, en exil aux côtés de ses pires ennemis. Loin des combats qu'il aimait tant, loin du sang et de son clan. Qu'il a dû souffrir en silence... Économisant sa fierté, cherchant à la reconquérir... Mais il se relèvera sûrement. Il se relève toujours, renaît toujours de ses cendres... Après tout, n'est-il pas l'esprit du feu ?»

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Est-ce que je t'aimais, Drakar ? Mon esprit s'embrouille, pourtant, maintenant, tout se reconstitue... Te souviens-tu, toi, de nos instants à deux ? Je ne me souviens plus si j'avais été une amie, ton premier amour ou ton dernier... Ta sœur peut-être même, ta mère... Non. Je peux commencer à reconstituer ton passé, redorer ton blason... Excuse-moi, Drake. Tes secrets seront dévoilés. Mais je jure que, par la suite, ils seront scellés...

Autrefois, aucun clan n'existait en ces lieux. Peut-être n'avaient-ils encore aucune raison d'être. Peut-être même auraient-ils dû ne jamais exister ; personne ne peut témoigner, pas même les esprits, du jour de leur conception. Cela se fit tout seul, tout simplement. Peut-être est-ce mieux ainsi. Peut-être pas. L'histoire des légendes n'est jamais drôle. L'histoire des légendes est souvent douloureuse, mauvaise. Destructrice. Cette histoire n'échappe sûrement pas à cette règle. Avant même que l'enfant fut né, il était voué à un destin tragique. De nombreuses épreuves l'attendaient déjà. Il est né dans la souffrance, dans le sang, la douleur, le désespoir... et pourtant encore une lumière l'a toujours éclairé sur son parcours sanglant. Oui. Il y a toujours un petit espoir... Rien n'a de fin, jamais...

Elle s'appelait Eskà. De toutes les louves nomades, elle était sûrement la plus réputée non pas pour sa beauté pourtant élogieuse mais pour ses connaissances en médecine très recherchées. Eskà descendait d'une célèbre chaman des temps anciens, des temps obscurs... Certains disaient qu'elle était une lumière au bout d'un tunnel sans fin. Elle vivait depuis toujours aux côtés de sa famille dans les montagnes où ils formaient une meute à eux seuls. Aucun d'entre eux n'avait besoin de quitter le bercail pour trouver l'amour et une descendance, les prétendants venaient souvent, en nombres. Parfois de vieux loups, parfois de bien jeunes. Certains repartaient bredouilles, d'autres ravis. Eskà, quant à elle, avait déjà depuis longtemps accepté l'un d'entre eux, Ittos. Ittos était un beau loup. Lui-même avait déjà eu bien du choix dans sa vie, et pourtant, il avait choisi la gloire.

Eskà aimait Ittos plus que tout. Ittos aimait Eskà comme une simple conquête. Peut-être qu'en vérité ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre, mais à présent aucun d'entre eux n'avait plus le choix de reculer. Deux années plus tard, Eskà attendait enfin une portée. Elle se plaisait à parler du « fruit de leur amour » ; en réalité, Ittos commençait à se griser. Les montagnes ne lui plaisaient pas, il souhaitait continuer sa vie près de la mer, sous les tropiques. Mais évidemment, la célébrité d'Eskà l'empêchait de la séparer de sa famille et de son lieu de culte. Le mâle était piégé. Il décida de patienter, et à son plus grand bonheur, la chance tourna. Cette même année, un jeune mâle blessé se présenta face au clan familial. Il ne parlait pas, trop faible. Eskà fut demandée afin de le soigner, ce qu'elle fit de bon cœur.

Quelques semaines plus tard, le jeune loup se réveilla enfin, reprenant ses esprits. Il se nommait Aspar. Il avait été banni de son clan pour avoir sauvé la vie d'un loup adverse. Eskà appréciait énormément le jeune mâle avec qui elle passait le plus clair de son temps. Ittos comprit dès ces instants qu'il pourrait enfin se débarrasser de sa femelle. Un jour, il se faufila dans la tanière d'Aspar tandis qu'il mangeait. N'étant pas une mauvaise langue, le jeune loup releva la tête et salua avec sympathie l'intrus. Ce dernier eut un faible sourire, s'installa à ses côtés et lui déclara sans y aller par les quatre chemins :

« Dis-moi, Aspar, que penses-tu de ma femelle ? »

Surpris, le jeune loup s'arrêta de manger. Sa réaction semblait cependant hésitante. Ittos eut un sourire ; il le tenait, la patte dans le piège ! Décontenancé, sachant qu'il était découvert, Aspar baissa le museau et bredouilla faiblement :

« Je... Eskà est quelqu'un de très bien, elle est très belle. Mais c'est toi qu'elle aime, Ittos, et je ne compte pas te la prendre... De toute évidence, elle n'est pas assez stupide pour m'aimer, je suis bien plus jeune qu'elle et elle va bientôt donner naissance à vos petits. Ce n'est qu'une attirance ; qui ne le serait pas à ma place ?...
- Ne t'inquiète pas. » Le coupa le mâle en riant. « Je ne te sermonne pas. Au contraire. Je comprends parfaitement. Le problème est que je ne l'aime plus. J'ai commis la grave erreur de ne l'aimer que pour sa gloire. Et à présent, je me languis de mon ancien clan. Cet endroit est trop isolé à mon goût ; je sais que tu sauras bien t'occuper d'elle. Cependant...
- Quoi ?! Ittos, je ne comprends pas ! Tu me demandes de te... remplacer ?
- Exact, mais laisse-moi finir. Eskà ne va sûrement pas me laisser nos petits si je pars. Je vais attendre leur naissance et en emmener un. Je veux que tu m'aides afin que tout se passe bien, afin que tout le monde soit heureux. Il faut que tu l'écartes de la scène où tout risque de mal se passer. Je ne veux pas la blesser, tu comprends ?
- Mais tu la blesseras aussi en partant sans la prévenir avec l'un de vos petits... » Fit remarquer Aspar, hésitant. « Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée...
- Mais c'est l'unique que j'ai. Alors, partant ?
- Je... Très bien. Je ferais tout ce que tu voudras pour elle, Ittos. »

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La naissance eut lieu dans la tanière des deux parents. Toute la meute s'était amassée à l'entrée afin d'assister à l'heureux événement ; Ittos fut le premier à sortir, rayonnant. Tous les petits étaient nés, et en bonne santé ! Il semblait confiant, heureux. Son regard croisa vaguement celui d'Aspar, accepté dans le clan durant ces derniers jours, adopté en quelque sorte par la famille. Le jeune père conclut alors qu'il fallait laisser Eskà se reposer et tous se dispersèrent, visiblement très contents pour le couple. Ne resta bientôt que les deux mâles. Ittos eut un bref sourire, prouvant qu'il n'avait pas oublié leur petite discussion d'il y avait quelques temps puis rentra de nouveau dans la tanière afin de rejoindre sa louve et sa portée.

Quelques jours défilèrent avant qu'Eskà fut capable de quitter les lieux. Elle ne le faisait qu'en de rares occasions, laissant le père seul avec les petits. Tentant d'installer un climat de confiance, en premier lieu, Ittos ne fit rien. Il se contenta de veiller comme convenu sur sa portée, s'attitrant le prix de père exemplaire. Seul Aspar semblait ne pas apprécier tout cela ; visiblement, il avait hâte qu'ils en finissent enfin. Il n'attendit pas aussi longtemps qu'il l'avait imaginé ; un jour, Ittos vint lui parler, lui déclarant d'emmener Eskà quelque part et de la retenir le plus longtemps possible. Comprenant que le moment était venu, il réussit à persuader la louve de quitter ses petits ; elle se contenta de vérifier qu'Ittos veillerait sur eux puis, confiante, s'éloigna aux côtés du jeune mâle.

Alors qu'ils commençaient à rire et à discuter joyeusement, la femelle se stoppa subitement. Son regard se fit neutre tandis qu'elle observait les alentours, visiblement tendue.

« Eskà ?... S'étonna Aspar.
- J'ai un terrible pressentiment... Il faut que je rentre...
- Je... Non, attends ! »

Le loup se mit devant la femelle, lui barrant la route. Surprise, Eskà plaqua les oreilles en arrière, très sérieuse. Un instant effaré et effrayé, se rappelant enfin qu'il était plus fort physiquement que la chaman, Aspar reprit son assurance et tenta d'une voix la plus doucereuse possible :

« Qu'est-ce qu'il te prend ? Il ne va rien arriver, tout le monde est au campement, tes petits sont avec Ittos, tout va bien... Il faut que tu te détendes, Eskà. Oublies un peu tout ça. Depuis que tu as eu ta portée, tu es toujours sur les nerfs, ce n'est pas bon...
- J'ai besoin d'être aux côtés de mes petits, Aspar... Écarte-toi ! Peu importe, j'ai besoin de les voir. Après on pourra aller où tu veux. Pourquoi me barres-tu la route ? Si ce sentiment est infondé, alors autant le vérifier. »

Et elle contourna le mâle qui, décontenancé, était à cours d'arguments. Il tenta pourtant encore une fois de la stopper ; cette fois-ci, comprenant que quelque chose d'anormal se passait, Eskà s'en fût au pas de course jusqu'au campement, le cœur battant. Aspar ne put pas la rattraper ; déjà, elle déboulait près de sa tanière. Elle se stoppa soudainement, horrifiée ; Ittos était là, leur fils aîné dans la gueule, prêt à décamper ! Comprenant enfin ce qu'il se passait, la femelle hérissa l'échine et montra les crocs. Surpris, le père reposa le petit entre ses pattes et plaqua les oreilles en arrières.

Aspar arriva enfin. Avant que la femelle ne bondisse sur son compagnon afin de l'arrêter, il la plaqua sans ménagement au sol. Rageuse, la jeune mère tenta de repousser son assaillant, en vain ; ce dernier se tourna vers Ittos et lui cria, sur le vif :

« Pars ! Vite, dépêche-toi ! Je... »

Le jeune père n'en attendit pas plus ; il prit son petit dans la gueule et s'en fût, se disant que tout se passerait bien, que le jeune mâle contrôlait la situation... Mais c'était non sans compter l'instinct d'une mère. Prise d'une soudaine force, Eskà attrapa subitement Aspar à la gorge et commença à l'étrangler, broyant sa gorge entre ses crocs. Surpris, ne cherchant plus à se défendre, le jeune loup s'écroula, mort, sur la femelle. Cette dernière, ne se rendant pas compte de son acte, repoussa son corps sans vie et commença à partir à la poursuite d'Ittos. Les recherches furent vaines, le mâle avait réussi à passer les montagnes et avait disparu. Découragée, désespérée, elle rentra mollement à la tanière, les larmes aux yeux, se rendant compte de ce qu'elle avait fait, abandonnée, déchirée...

Elle s'arrêta, les yeux exorbités. La tanière où reposait sa portée portait une odeur étrange, une odeur de sang... Non... La jeune mère se précipita, se rendant compte avec horreur qu'elle avait laissé ses petits seuls à la portée des prédateurs en cherchant à reprendre leur frère aîné... Dans l'ombre, elle sentit l'odeur putride des corps ensanglantés et déchiquetés de ses petits. Eskà, poussant un cri de douleur et de rage sans fin, s'écroula dans leur sang où se mêlèrent ses larmes. Le clan la retrouva ainsi, ne pouvant se défendre, découragée. On raconta de nombreuses histoires à ce sujet, une seule resta ; Aspar, le jeune loup, avait tenté des avances à la jeune femelle qui avait refusé et avait tenté de le tuer. Ittos avait tenté de l'arrêter mais elle avait tué le mâle sans ménagement, prête à attaquer son propre compagnon... le combat fit rage jusqu'à ce que le jeune père réussisse à maîtriser sa femelle qui, dans sa folie, massacra leurs petits. Le mâle ne put que sauver l'un d'entre eux et, ne pouvant se résoudre à tuer celle qu'il aimait malgré ses crimes, l'abandonna et s'en fût dans son clan natal. Le clan dût à son grand regret tuer la femelle qui avait déshonoré leur famille. Eskà mourut ainsi, victime d'un complot et de son incompréhension...

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Ittos ne savait pas ce qu'il s'était passé par la suite. Il ne savait en rien quel horrible massacre s'était produit de là d'où il venait. Le mâle était sortit de nulle part dans son clan natal, apportant avec lui son fils aîné, un louveteau déjà robuste. Les siens, heureux de retrouver leur meilleur guerrier, l'accueillit en héros et des femelles s'occupèrent aussitôt du jeune loup comme un prince. Le temps défila et enfin la rumeur de la mort d'Eskà leur parvint. Ittos ne put que se sentir déboussolé à cette nouvelle mais ne confia jamais à personne quelle était la véritable version des faits. Les siens crurent qu'il avait vraiment vécu un tel malheur et il fut nommé sous-chef après la mort du précédent par noyade. Acclamé comme un héros, plaints par les autres, voilà quel était son statut désormais.

Il s'occupa de son fils comme il ne s'était jamais occupé de ses petits jusqu'alors, avec attention et dignité, commençant à faire de lui un véritable champion, lui enseignant dès son plus jeune âge tout ce qu'il savait afin qu'il devienne lui-même un héros. Un soir qu'ils étaient ensembles, le louveteau se planta entre les pattes avant de son père, observant le coucher de soleil devant eux.

« C'est vrai ce que les autres louveteaux m'ont dit, ce qui est arrivé à Maman, ce qu'elle a fait à mes frères et sœurs ? Demanda-t-il tristement.
- ... Oui. Ta maman était quelqu'un de bien mais hélas, elle ne se contrôlait plus lorsqu'elle était en colère.
- Alors ça veut dire que tu m'as sauvé la vie ?
- ... En quelque sorte, effectivement.
- Dis, Papa, et si tu me donnais un nom ? Tous les autres ont un nom maintenant, moi aussi, j'en veux un ! »

Le père eut un sourire triste. Il était heureux que son fils change de sujet. Visiblement, le jeune était en bonne santé. Un redoutable petit guerrier. Ittos lécha doucement le haut de la tête de son fils, réfléchit un instant et déclara d'une voix douce :

« Drakar...
- Drakar ? C'est trop cool comme prénom ! T'es vraiment super, p'pa ! » S'enthousiasma aussitôt le jeune en commençant à bondir dans tous les sens. « Je suis le louveteau le plus cool du clan !
- Hmm...
- Comment ça, "hmm" ? Attends, tu vas voir ! » Éclata de rire le jeune en bondissant sur son père, prêt à engager un jeu...

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Drakar était un jeune très orgueilleux. Le fait d'avoir toujours été apprécié de tous avait fait de lui un louveteau volontaire, déterminé. Il était également fort et puissant, prêt à se battre jusqu'à son dernier souffle. Un battant. Son père, alors qu'il était devenu plus adulte, était devenu meneur. Les siens les acclamaient avec encore plus de fanatisme. Les deux mâles étaient très populaires en ces lieux. Désormais, l'avenir de Drakar était tout tracé ; il était l'Héritier. Il allait succéder à son père et devenir meneur de son clan près de la mer. Grâce à son titre, tel un prince, le jeune s'était fait beaucoup d'amis. Tous ceux de son âge étaient des proches, femelles comprises. Ne sachant pas ce qu'était l'amour pourtant, Drakar ne se rendit pas compte...

Il ne se rendit pas compte du regard de Lyss. Lyss était une jeune femelle très jolie mais très discrète. Elle entrait dans le cercle privé de ses amis et tous deux passaient énormément de temps ensembles. Drakar l'appréciait telle une sœur et n'hésitait pas à la surnommer ainsi. Gênée que leur relation n'évoluasse pas, dépitée, la jeune femelle tenta cependant un jour de conquérir pour de bon le jeune mâle. Elle décida de l'emmener chasser à ses côtés de bon matin, mais ce dernier semblait préoccupé. Effectivement, ce dernier songeait doucereusement à quelqu'un...

Alors qu'ils se reposaient sur les rives d'une rivière, observant silencieusement leurs reflets respectifs, Lyss leva le regard sur lui et se colla en silence contre lui, guettant sa réaction. À peine surpris, Drakar tourna la tête vers elle, une oreille plaquée en arrière et l'autre bien dressée, en signe d'incompréhension. Sachant qu'elle allait pouvoir enfin lui confier ses sentiments, un peu gênée, la jeune louve baissa le museau et observa le reflet du mâle tout en déclarant d'une voix pâle :

« Je... J'avais envie de te dire quelque chose, aujourd'hui... C'est très important pour moi, j'aimerais savoir si... si tu aimais quelqu'un. »

Sachant qu'elle s'y prenait mal, Lyss baissa légèrement la tête mais attendit les paroles du mâle. Drakar, lui, ne semblait que plus surpris. Puis il se calma et, de son sourire naturellement confiant, balaya les doutes de la femelle. Il savait ! Il avait compris ! Inutile d'en dire plus, désormais, tout irait bien... Enfin il prit la parole, assuré :

« Tu l'as remarqué toi aussi, hein ? Si j'avais su que c'était aussi voyant, j'aurais évité de traîner seul avec toi ! »

[...]

Cette fois-ci, ce fût à Lyss de ne pas comprendre où il voulait en venir. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Pourquoi il lui sortait de telles paroles ? Voulait-il garder ses sentiments secrets, confidentiels ? Ou alors...

« Hey bien, en fait, ça ne se voit pas tant que ça, mais...
- Arrête, j'ai tout à fait compris, Lyss ! » Déclara-t-il en plongeant son regard dans le sien ; la louve se sentit un instant fondre. « Je savais bien que ça allait me retomber dessus. Et puisque tu es une amie de River, je ne doutais pas une seconde que tu comprendrais... C'est vrai qu'en ce moment, je suis obsédé par elle. Je ne sais pas pourquoi... elle est partout dans mes pensées... partout...
- Partout... » Répéta Lyss, tremblante, baissant la tête afin de camoufler ses yeux humides.

Ne faisant pas attention à la répétition de la louve, Drakar se leva et fit quelques pas derrière lui afin de déterrer l'une des proies qu'ils avaient enterré peu de temps avant. Il sortit un lièvre fraîchement chassé et revint, le posant entre eux deux et continuant de sa voix toujours assurée :

« Demain, je lui déclarerais ma flamme. Ne lui dis rien, d'accord ? Je te confie ça uniquement parce que nous sommes très proches et parce que tu es comme une sœur pour moi.
- Une sœur... » Répéta encore Lyss, d'une voix cette fois-ci froide, voir même agressive.

Cette fois-ci, Drakar ne put ne pas sentir les sentiments de la louve dans ses paroles. Il lui leva un regard interrogateur, ne comprenant pas. Lyss se leva alors subitement et s'éloigna d'un pas rapide, le laissant seul avec son lièvre, dépité. Il n'avait pas compris. Il n'avait pas compris à quel point elle l'aimait, à quel point elle ferait tout pour lui... et à quel point il avait déclenché en elle une colère rude, une haine insensée contre l'élue de son cœur... S'il ne l'aimait pas plus que ça, alors il n'aimerait personne d'autre. Son plan était établi. Demain... La flamme de Drakar s'éteindrait.

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Le jeune loup en avait parlé à Ittos, son père. Ce dernier était ravi que son fils entreprenne une telle chose. Enfin il allait connaître l'amour, le véritable... River n'allait sûrement pas refusé ! Tous étaient confiants. Les deux mâles, complices, s'étaient concertés. Ils se réunirent donc à midi au milieu du campement, là où habituellement le meneur faisait ses annonces. Il réunit alors le clan et leur déclara que River devait obligatoirement se présenter. Personne ne bougea. Drakar, plein d'espoirs, chercha du regard l'élue de son coeur... en vain. La louve semblait absente. Dépité, il se tourna vers son père.

« Je ne comprends pas...
- Quelqu'un a-t-il vu River partir ce matin en chasse ou en patrouille ? » Demanda à voix haute Ittos, inquiet.

Tous échangèrent un seul regard. Personne n'y avait vraiment fait attention... Mais il semblait manquer une autre louve à l'appel ; Lyss. Drakar commença à s'inquiéter ; et si sa meilleure amie et celle qu'il aimait étaient en danger ? Il s'apprêtait à demander à son père d'envoyer des patrouilles de recherches lorsque soudain des cris étouffés fusèrent dans la foule qui s'écartait au passage d'un d'entre eux... Ittos en resta sans voix. Sous ses yeux, dégoulinant de sang, Lyss s'avançait vers Drakar. La louve s'arrêta juste en face de lui, tête basse, et murmura à voix basse :

« Elle... ne viendra... jamais... »

Et s'écroula sous le regard de la foule en délire. Aussitôt on décida d'envoyer des loups chercher les médecins de la montagne. Ittos n'était pas enchanté à l'idée de refaire face à ce clan mais il n'avait pas le choix ; la vie de la louve en dépendait. Drakar, dépité, resta à son chevet jusqu'à l'arrivée des secours. Il semblait pris de torpeur, traumatisé, ne cherchant en aucun cas à parler à qui que ce soit. Il avait compris les paroles de Lyss ; elle était morte. Comment ? Avaient-elles été attaquées ? Mais pourquoi son amie était-elle partie avec River de bon matin alors qu'elle savait que, ce jour-là, il lui déclarerait sa flamme ? Drakar était pris dans l'incompréhension. Leur dernière rencontre, la veille, avait été mouvementée. Avait-elle quelque chose à cacher ?

Ittos attendait à l'extérieur. Bientôt les loups envoyés revinrent aux côtés d'une louve. Elle était magnifique, possédant le même pelage sombre de Drakar... Le meneur, surpris, mit du temps avant de comprendre. La louve lui sourit et déclara d'une voix douce :

« J'ai survécu... Père. J'attendais depuis longtemps nos retrouvailles... »

Ittos n'avait qu'une envie ; décamper. Pensant bien faire, le clan de Chamans avait dut décider lui-même de n'envoyer qu'elle. Blême, il se contenta de lui sourire et de l'emmener au chevet de Lyss. Drakar ne fit pas la comparaison entre la louve et son père, se contentant d'attendre à l'extérieur le verdict de la Chaman. Cette dernière sortit enfin quelques temps plus tard, les yeux pétillants d'espoir et se tourna vers lui.

« Vous êtes un ami, je crois ? Elle va s'en sortir. Apparemment elle a été attaquée par un autre loup et s'est sauvagement défendu. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais je pense qu'il vaut mieux la laisser se reposer quelques temps avant de l'assaillir de questions. »

Drakar hocha tristement la tête puis commença à s'éloigner lorsqu'il aperçut son père se diriger vers la louve. Il l'intimait de le suivre, non pas dans sa tanière, mais vers l'extérieur. Surpris, le jeune mâle plaqua les oreilles en arrière. Que se passait-il ? Son instinct lui dicta de les suivre. Discrètement il s'exécuta donc. Les deux loups allaient loin dans la forêt et vérifiaient fréquemment s'ils étaient suivis. Enfin, un peu plus loin, ils s'arrêtèrent. Drakar resta sur le qui-vif, se demandant ce qu'il allait découvrir là. Enfin Ittos prit la parole, visiblement troublé :

« Je suppose que, en tant que Chaman, tu as découvert la vérité...
- J'ai eu des visions. Je n'en ai parlé à personne d'autre. J'attendais que tu les confirmes... mais je vois ainsi que c'est donc vrai. C'est toi, la cause de nos tourments...
- Tout aurait dû bien se passer.
- Te rends-tu compte seulement de ce que tu as fait, Père ?! Tu as détruis nos vies par... égoïsme et lâcheté ! »

Drakar ouvrait de grands yeux ahuris. La femelle Chaman montrait les crocs, agressive, mais son père restait de marbre. Ainsi était-elle sa sœur ? Mais que racontait-elle ? Ce n'était pas de la faute d'Ittos si leur mère avait été prise de folie meurtrière, non ?

« Tu ne voulais plus d'elle, et au lieu de le lui dire en face, tu as préféré t'enfuir avec mon frère aîné, ton fils, tandis qu'un autre la retenait éloigné de la tanière... Quand elle a découvert ça, elle a tué ton complice et a cherché à te poursuivre afin de récupérer son petit... et entretemps, notre tanière a été saccagée par de terribles prédateurs. Mes autres frères et sœurs sont morts et ma mère a été accusée de les avoir massacrés. Tu n'as jamais cherché à sauver sa mémoire... Ils l'ont tué, ont tué sa fierté par la même occasion... et tu n'as même pas eu l'audace de rétablir la vérité ! Tu mérites autant de mourir qu'elle... et c'est pour cela que je suis venu... »

Et la jeune louve bondit à la gorge d'Ittos. Ce dernier ne semblait pas vouloir se défendre... Traumatisé, Drakar en restait immobile. Il ne savait pas ce qu'il devait faire... Mais non... Peu importait si ce que la femelle avait dit était vrai, il ne pouvait laisser son père, l'être qui lui était le plus cher au monde, se faire dépecer sous ses yeux ! Il bondit de sa cachette et égorgea sans pitié et avec une facilité décontertante la femelle. Cette dernière n'eut pas le temps de comprendre qu'elle gisait à terre. Drakar se tourna vers son père, les yeux ruisselants de larmes, se penchant sur sa dépouille... Ce dernier remuait légèrement. Un brin d'espoir le prit...

« Mon... fils...
- Papa... Ne t'inquiète pas... Tout va bien se passer...
- Tu as... tout entendu... n'est-ce pas ?
- Oui, mais... Mais ce n'est pas grave... C'était il y a longtemps...
- Elle a... raison... je dois... mourir...
- NON ! Pense au clan ! Pense à moi !... Tu n'as pas le droit de partir...
- De toute façon... il est trop tard...
- Non... Gémit Drakar, laissant les larmes couler le long de son museau.
- Ne t'inquiète pas... je veillerais toujours sur toi... je t'aime...
- Papa... Je n'ai plus rien... Il ne me reste rien... Je veux mourir moi aussi..
- Non... Il faut que tu vives... Promets-moi de vivre...
- Mais...
- Promets-moi...
- Je... D'accord...
- C'est bien, mon fils... Je t'aimerais... toujours...
- Je t'aime moi aussi, P'pa... »

Un doux sourire reposa sur le museau d'Ittos tandis que la vie le quittait. Ses derniers mots. Drakar serra les crocs et, dans une rage et une tristesse infinie, poussa un hurlement de douleur. Un hurlement déchirant ses entrailles... Une fois qu'il eut fini, il se colla à son père et ne bougea plus, plongeant son museau dans son pelage, attendant que quelqu'un vienne le chercher...

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Personne n'osait parler au Prince. Trop jeune encore pour succéder à son père, le Sous-Chef avait pris la place de Meneur. La vie reprenait son cours mais chacun était attristé par les derniers événements. En très peu de temps, Drakar avait perdu tout ce qu'il aimait... Il continuait cependant de sourire et rire, tentant de camoufler sa tristesse... Jusqu'au jour où Lyss se réveilla.

La jeune louve semblait murée dans le silence. Ce fut aux côtés de Drakar, lui aussi meurtri, qu'elle commença à retrouver le sourire... Tous deux, un jour, se retrouvèrent au bord de la rivière. Ils arrivaient à l'âge adulte. Les temps de haine et de souffrances semblaient bien loin... Pourtant, Lyss ne pouvait toujours pas dire ce qu'il s'était passé ce jour-là. Un traumatisme avait alors pensé le jeune mâle. Au bout d'un moment, il lui décerna un doux sourire et se colla à elle. Surprise, la jeune femelle ne le repoussa pourtant pas, interdite.

« Je n'ai plus que toi, désormais... Lyss... »

Drakar, avec une douceur infinie, plongea son museau dans le pelage de sa compagne. Prise d'un petit frisson, la louve ferma les yeux. Il entreprit donc de lui lécher le museau avec énormément de soin, les yeux emplis d'affection.

« Je sais désormais pourquoi tu étais si triste... Je suis désolé... Mais à présent, je suis entièrement à toi... Ensembles, nous surmonterons toutes ces épreuves... »

Lyss semblait cependant blême, ses yeux commençaient à s'humidifer. Drakar, qui n'avait rien vu de cela, ferma les yeux tout en murmurant à voix basse :

« Je t'aime... »

La jeune louve, alors, éclata en sanglots. Surpris, ne comprenant pas son comportement, le mâle l'observa en silence. Il attendit qu'elle se calme avant d'ouvrir la gueule, prêt à l'interroger sur ce qu'il n'allait pas lorsqu'elle déclara à voix basse :

« Non... Je ne peux pas vivre plus longtemps dans le mensonge, Drake... Ce qu'il s'est passé, le jour où tu allais te déclarer à River... c'est... je l'ai entraînée loin dans la forêt... et je lui ai dit que tu l'aimais et que... moi aussi... que c'était elle ou moi... et alors elle s'est attaqué à moi... je me suis défendue, et je... on s'est longuement battus jusqu'à ce qu'elle meure la première... moi j'avais tout juste la force de revenir au campement... je suis... un assassin... »

Drakar resta silencieux. Étrangement, ces paroles semaient un trouble encore plus grand qu'il n'aurait dû... Il se revoyait aux côtés de son père... Lui aussi avait menti... Et il l'avait pardonné.

« Non... Ce n'est pas ta faute, Lyss... Elle t'a attaqué, tu n'as fais que te défendre... Tu n'aurais sûrement pas dû le lui dire mais... tu n'es pas un assassin. Tu étais juste amoureuse... »

La jeune femelle étouffa un sanglot puis secoua la tête.

« Je ne te mérite pas, Drake...
- Ne me dis ça...
- Je ne veux pas que tu m'aimes, c'est injuste...
- Ne m'abandonne pas...
- Je ne mérite pas de vivre...
- NON ! »

Drakar, cette fois-ci, semblait revivre la mort de son père... Mais avant qu'il ne puisse continuer, Lyss se leva et commença à courir. Courir... Le jeune mâle, sachant très bien ce qu'elle allait faire, la pris en chasse. Non... Il l'aimait tant. Il voulait qu'elle soit sienne. Peu importaient ses erreurs, il l'aimait... Il l'aimait plus que tout au monde, elle était la seule chose le retenant en ce bas-monde, ce monde où pourtant il était adulé... Il l'aimait à en crever... C'est alors qu'un cri retentit juste en face de lui ; surpris, il eut juste le temps de ralentir. Derrière les buissons qu'il s'apprêtait à franchir se tenait une falaise. Lyss s'était dirigée droit dans le gouffre... Non... Les larmes coulaient à flots le long du museau de Drakar. Ce cri... C'était...

« LYSS !... JE T'AIME... JE T'AIME... Pourquoi... pourquoi... »

S'écroulant sur le sol, Drakar observa longuement le gouffre. Mourir. S'y jeter ; pourquoi pas ? On lui avait pris ce qu'il avait le plus cher au monde. Son père... River... Lyss... Ce n'était pas possible. Il n'avait plus rien à perdre. Il devait simplement mourir lui aussi, rendre l'âme... Lui non plus ne méritait plus rien. Il se releva difficilement, baignant dans ses larmes, et s'apprêta à franchir le pas le séparant de la mort quand soudain une voix retentit à travers son esprit...

Promets-moi de vivre...

Drakar resta immobile, debout, silencieux. C'était si cruel en vérité de continuer de vivre. Mais peut-être que la vie lui réservait encore bien des choses, il était si jeune... Relevant le museau, il observa le ciel.

Pardonne-moi, Lyss... Je ne peux pas te rejoindre... Pas tout de suite...

En vérité, il ne la rejoindrait jamais, mais cela, il ne le savait pas encore... Il fit demi-tour et disparut, quittant son clan, quittant ses rêves, ses espoirs... afin de commencer une nouvelle vie, solitaire... et peut-être plus belle, qui sait ?...

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Le vent soufflait fort. Le jeune mâle frissonna et se recroquevilla un peu plus sur lui-même. La tanière dans laquelle il avait pris abri durant cette tempête déchaînée était peu profonde. Le froid l'atteignait sans relâche, glaçant ses os. Cela faisait des heures qu'il luttait en silence. Il ne savait pas vraiment ce qui l'attendait. Cela faisait plusieurs semaines qu'il avait quitté son clan sans rien dire, plusieurs semaines que Lyss avait trouvé la mort... Drakar ferma les yeux. Il sentait une haine immense le prendre. Pourquoi ? Pourquoi l'avait-on soumis à de tels sacrifices ? Tant de souffrances inutiles, tout ça à cause de... l'amour. L'amour, quel sentiment futile !... Le jeune mâle enfonça son museau dans son pelage sombre. Allait-il finalement mourir ici, dans la tempête ? Quelle ironie ! En vérité, peut-être étais-ce cela, sa destinée. Souffrir. Une flamme semblait pourtant brûler en lui, une volonté immense. Il ne savait pas d'où il la sortait, mais sans elle, il n'était plus rien...

[...]

Soudainement, tout sembla se calmer. Le vent cessa de souffler, laissant place à un silence étrange, un silence profond. Le jeune mâle, tendu, pointa le bout du museau à l'extérieur. C'est alors qu'il s'aperçut avec étonnement qu'une lumière blafarde éclairait un petit sentier juste en face. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Un signe des Dieux ? Sans en attendre plus, Drakar se faufila hors de la tanière et se mit à courir, suivant sans trop réfléchir la piste qu'on lui offrait. Au bout d'un moment, le vent se remit à souffler, féroce. Le jeune mâle, bien que solide, ne put résister plus ; il s'écroula mollement sur le sol, essoufflé. Son instinct le poussa à hurler afin de signaler sa présence, espérant que quelqu'un le trouve - il n'en pouvait plus, le froid pénétrait le moindre fragment de sa chair, son cœur lui-même tremblait... C'est alors que quelque chose l'attrapa par la peau du cou et lui intima de s'appuyer sur lui. Drakar sentait que ses muscles ne lui obéissaient plus, il se laissa mener silencieusement par l'inconnu vers des lieux jusqu'alors inexplorés...

À son réveil, un loup était penché à son chevet. Ils étaient dans une tanière bien spacieuse, à l'abri du vent et de la tempête qui avait repris de plus bel. L'inconnu, silencieux, observait avec attention son hôte. Drakar, effrayé, eut pour premier instinct de se redresser sur ses quatre pattes, gêné. Ce qu'il ne savait pas à ce moment-là c'était qu'il venait de trouver enfin sa raison de vivre et que ce loup-ci serait son guide et son mentor dans sa nouvelle vie... Son nom ? Endless.

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Endless était un loup d'âge mûr de quelques années son aîné. Il était en vérité le maître des lieux ; solitaire nomade depuis sa naissance, il avait dû se battre à plusieurs reprises afin que les limites de son territoire soient respectées. Il expliqua en quelques mots au nouveau venu qu'il l'acceptait uniquement parce qu'il n'avait pas idée de la vie de nomade et ensuite parce qu'il avait été piégé dans la tempête. De plus, un événement historique n'allait pas tarder à se dérouler durant les prochaines lunes et, pour tout être errant, c'était une chance à saisir. Des clans allaient être formés.

Durant les jours qui suivirent, les deux mâles furent contraints de cohabiter ensembles. Drakar était surveillé de prêt par le maître des lieux ; il ne pouvait pas chasser plus que sa faim ne le lui permettait et en aucun cas quitter sans prévenir les terres d'Endless. Ce dernier n'était pourtant pas quelqu'un de mauvais et, malgré quelques tensions, tous deux s'entendaient plutôt bien. Ce n'était pas encore l'accord parfait mais un autre jour allait leur permettre d'ouvrir leur cœur, un jour pourtant qui avait démarré comme les précédents...

Ascher était un tyran. Terrible, il s'était déjà battu à plusieurs reprises contre Endless et avait toujours été repoussé. Son but était évidemment de conquérir des terres, même s'il devait tuer pour cela... Et ce fut sans réfléchir que le véritable mastodonte décida d'errer sur les terres de son vieil ennemi afin de le rencontrer... et il tomba sur lui par pur hasard. Un combat terrible s'engagea... et Ascher dominait. Drakar, un peu plus loin, chassait. Le vent ne soufflait pas et l'odeur des deux combattants ne lui parvenait pas. Pourtant, son instinct le poussa à arrêter de pister le lièvre qu'il suivait depuis la matinée. Oreilles dressées, il scruta longuement l'horizon avant de s'élancer sans réfléchir...

À son arrivée, il ne put que se figer de nouveau d'étonnement. Ascher était immense, fort ; ses crocs étaient refermés sur la gueule d'Endless qu'il tentait d'égorger... mais cette fois-ci, Drakar ne resta pas aussi longtemps immobile. Il bondit sans hésiter sur Ascher et tous deux roulèrent dans l'herbe couverte de sang. Le combat fut acharné, enragé ; à plusieurs reprises, le jeune mâle crut que la vie allait lui être arrachée... Mais sa haine et sa détermination eurent raison de l'ennemi. Alors que ce dernier cherchait sa jugulaire, lui le repoussa avec une force redoutable, le plaqua au sol et, tout en s'accrochant de toutes ses griffes à son épaule, lui arracha sans hésiter un morceau de cou. Ascher poussa un hurlement de douleur, mais Drakar n'en avait pas fini. Il mordit dans la plaie déjà douloureuse et commença à se délecter du sang ennemi...

Au bout de quelques instants, Ascher ne bougea plus. La vie semblait l'avait quitté... Complètement abattu, tremblant de rage et couvert de sang, Drakar se dirigea alors vers Endless resté à terre. Ce dernier, les yeux entrouverts, était à bout de souffle... Son regard croisa vaguement celui de son hôte. Ce dernier lui rendit un faible sourire en retour et s'allongea à ses côtés. Le maître des lieux, alors, lui murmura d'une voix pleine de fierté :

« Je suis... fier de toi... »

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Le mâle n'était désormais plus seulement un compagnon ; il devint rapidement un père d'adoption. Les lunes se succédèrent durant lesquelles tous deux furent liés comme jamais auparavant. La confiance mutuelle qu'ils se donnaient les menaient loin, on entendit facilement parler d'eux puisqu'ils avaient désormais à leur charge également tout le territoire d'Ascher, bien vaste étant donné ses nombreuses victoires désormais inutiles... La plupart du temps, tous deux passaient leur temps à longer les limites afin d'éviter toute intrusion - chose inutile, personne n'osait. Mais sait-on jamais...

Un jour pourtant, tandis que Drakar dormait encore, Endless sortit de nulle part et le réveilla à coups de museaux répétitifs. Epuisé, comblé malgré tout, le jeune mâle fit mine d'ignorer l'agression lorsque le mâle déclara, insistant :

« Debout, fainéant ! C'est le grand jour. Ils vont former les clans.
- Hmmmm... ça ne sert à rien...
- Comment ça, ça ne sert à rien ?!
- Ben on a déjà un vaste territoire... On s'en fout des clans... On s'en fout des autres...
- Ne me dis pas que tu comptes finir tes jours enfermés ici avec moi !... »

Drakar entrouvrit les yeux. Son regard resta longuement inexpressif. Il comprenait malgré tout ce que son mentor voulait lui dire. Il voulait qu'il parte et vive vraiment sa vie autre part. Sa place n'était donc pas ici... Mais...

« Je n'ai plus envie de vivre dans un clan... Je suis bien ici, avec toi... Et puis je n'ai pas besoin de recommencer ma vie, je veux simplement être heureux... Au moins une fois ne pas perdre un être cher. Je ne veux pas y aller. Même si tout le monde m'acclame en héros depuis la mort d'Ascher... Je ne peux me résoudre à quitter cette tanière, End.
- Écoute, fais ça pour moi, Drake... Jamais tu ne m'as parlé de ce qu'il s'était passé avant dans ta vie, mais là, c'est ta chance ! Tu vas pouvoir te reconstruire... au pire, si tu ne t'y plais pas, tu pourrais toujours revenir, tu le sais. Ne t'inquiète pas pour moi, et va... »

Le jeune mâle observa longuement Endless puis poussa un grand soupir avant de se lever. Son corps lui-même ne semblait pas apprécier le réveil... les pattes engourdies, il quitta sans plus un mot la tanière. Que dire d'autre de toute évidence ?... Il n'avait plus vraiment le choix, End avait raison. Il lui fallait vivre enfin, vivre tout simplement... La formation de clans disait également que des chefs seraient nommés, non ?

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Des loups par milliers étaient réunis. Ils observaient silencieusement le Ciel ; on disait que les Dieux observaient en silence la scène. Il fallait choisir des meneurs pour chaque clan. Le choix se fit rapidement parmi tous les loups présents, se divisant en quatre groupes équitables. On nomma un chef pour chacun d'entre eux et, parmi eux... Drakar. Comment en était-il arrivé là ? Lui-même ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Son regard se posait sur les loups à sa suite. Il était perdu... Bien sûr, il avait déjà vécu dans un clan et avait failli devenir meneur. Mais un clan nomade, qui plus est surpeuplé... tout cela lui paraissait bien instable. Mais son tempérament de feu le poussa à ne pas s'en plaindre. Endless avait eut raison. Il était temps de tourner la page.

Ce fut donc dans la soirée qu'il mit le cap vers une clairière vidée de vie. Les étoiles scintillaient dans un ciel unicolore, pas un seul nuage ne cachait les constellations. Drakar établit alors momentanément son clan en ces lieux et, laissant la garde du clan à un autre, partit prévenir Endless. La nouvelle une fois annoncée courut vite ; le fils adoptif - certains se plaisaient à dire "fils caché du loup possédant le plus grand territoire des lieux était devenu meneur d'un des nouveaux clans ! Certains, en l'apprenant, se contentaient de sourire, d'autres de rester silencieux et enfin un autre groupe déclarait simplement « pas étonnant »... Quoi qu'il en soit, chacun avait son avis sur l'affaire. Mais tous étaient du même avis ; les quatre clans avaient des chefs ambitieux et sages à leur tête.

La vie en groupe fut bien complexe pour des loups autrefois solitaires et pourtant, au sein du clan, tout semblait bien se passer. Un soir cependant, lors d'une réunion, une voix s'éleva parmi les autres :

« Quel sera le nom de notre clan, désormais ? »

Tous se tournèrent vers la personne ayant parlé ; c'était une magnifique louve au pelage blanc immaculé. Ses yeux bleus glaciers scintillaient, son regard bien posté dans celui de Drakar. Ce dernier, pas pour autant déstabilisé, parut cependant réfléchir un long moment. Puis son regard alla sur la ligne de l'horizon. La lumière du soleil éclairait leur campement à peine établi. Un petit sourire trôna au bout de son museau :

« Aluria... »

Puis, relevant la tête, faisant face à tous les loups - mais semblant parler seulement à la jeune louve - déclara d'une voix forte et fière :

« Notre clan se nommera désormais Aluria ! »

Tous les loups semblèrent sourire, acclamant le nom de leur clan sans hésitation. Tout semblait bien se passer, c'était un début magnifique. Une fois la cérémonie terminée cependant, Drakar se glissa jusqu'à la louve au pelage blanc et l'interpella. Cette dernière pointa les oreilles vers lui, interrogatrice. Elle semblait bien sûre d'elle, ce dont le mâle n'était pas vraiment habitué depuis sa naissance - personne n'avait osé se montrer fier et noble face au « Prince », au "fils caché" d'Endless et au meneur d'Aluria - aussi décida-t-il de venir droit au but :

« Je pourrais connaître ton nom ?
- Mh il est sûr qu'un jeune meneur ne sait pas encore reconnaître tous les membres de sa tribu... Alors que tout le monde le connait ! Je suis Lüna.
- Eh bien... Enchanté, Lüna. Je...
- Lüna, qu'est-ce que tu fais ? »

Surpris, Drakar releva le regard. Un loup s'avançait, visiblement étonné. En voyant qu'il avait coupé les paroles de son meneur, il pâlit puis se tourna vers la louve et tenta un faible sourire. Cette dernière le lui rendit puis jeta un vif coup d'oeil à son chef :

« Le devoir m'appelle, je suppose que ma présence ne vous est pas utile de toute évidence. Excusez-moi. »

Et elle partit silencieusement aux côtés de l'autre mâle, tête haute. Drakar en resta tout à fait immobile, muet d'étonnement. La honte commença à lui monter à la tête puis il se contenta simplement de se mêler à un groupe de loups qu'il connaissait mieux, rongé par l'humiliation. S'il avait su que la louve était accompagnée, jamais il ne lui aurait adressé la parole...

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Le temps sembla passer si lentement que le jeune meneur commençait à se plaire auprès de son clan. Il avait déjà noué des liens avec la plupart des loups et il lui fallait nommer un sous-chef... les seuls loups qu'il n'approchait pas vraiment étaient Lüna et son étrange compagnon. Tous deux ne se quittaient jamais mais n'avaient aucun geste affectif envers l'autre. Tout ceci étonnait bien Drakar, habitué à la vie de couple - il se souvenait des couples de loups de son clan d'enfance... Souvent, il allait voir Endless afin de tout lui annoncer en détails. Ce dernier appréciait visiblement ces petites visites improvisées. Tous deux restaient liés malgré la séparation.

Un jour qu'il revenait justement de la tanière de son ami, Drakar aperçut Lüna. Elle était là, à l'entrée du campement, seul. Surpris, le premier réflexe du mâle sombre fut de renifler les environs ; visiblement, l'autre loup n'était pas de la partie... et alors ? Cherchant à faire l'indifférent, le meneur s'approcha sans un regard pour la louve. Cette dernière remarqua bien vite son compagnon et lui décerna un petit sourire amusé. Le pelage de Drakar se hérissa d'instinct et enfin il lui décerna un regard assassin.

« Je peux savoir ce qui t'amuse ?!
- Je peux savoir pourquoi vous passez votre temps à nous éviter, mon frère et moi ?! »

Drakar resta cloué sur place. Le regard de la femelle au pelage blanc immaculé était foudroyant, peut-être même pire que le sien... Il n'avait pas l'habitude d'être ainsi dominé. Un peu décontenancé, il ne put s'empêcher de plaquer les oreilles en arrière. Son instinct l'aurait poussé à montrer les crocs, mais il n'en fit rien, terrassé par l'incrédulité.

« Ton... frère ? » Répéta-t-il dans un murmure.

La jeune louve parut alors surprise... puis, comprenant enfin, se mit à rire. Son rire cristallin eut pour effet d'humilier encore plus le meneur qui, sans hésitation, commença à passer dans le campement. Il n'était pas d'humeur à affronter Lüna... Mais cette dernière n'attendit pas plus ; elle le rattrapa, lui barra la route et, l'affrontant bien en face, lui déclara simplement :

« Je suis désolée ! Je n'avais pas à en rire. Faisons comme si nous nous rencontrions pour la première fois, d'accord ? Moi, c'est Lüna. Et vous Drakar. Je peux vous tutoyer ? »

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Lüna était une femelle épatante. Pleine de vie, mais dotée d'un sale caractère, elle devint très vite le centre d'intérêt principal du meneur. Quelques temps après, il la nomma sous-chef. Il fit également la connaissance de son frère qui ne se révélait pas aussi mauvais que Drakar l'avait cru et tous trois devinrent inséparables. Durant ses visites auprès d'Endless, le jeune mâle passait son temps à parler d'elle. Pourtant son cœur n'avait pas oublié les blessures du passé... aussi avait-il décidé de garder ses sentiments pour lui et son mentor. Personne ne devait en savoir plus, pas même elle. C'était le seul moyen aux yeux du meneur de ne pas trahir la mémoire de River et Lyss.

Quelques temps après, il rencontra les autres meneurs des autres clans. Bien qu'ils ne furent pas amis, leurs rapports ne semblaient pas mauvais. Tout allait bien ; Drakar était aux anges. Désormais, être meneur ne lui posait aucun problème. Deux années s'étaient écoulées après son terrible départ de son premier ; il était un adulte à part entière, un fier guerrier. Quelqu'un encore une fois adulé, apprécié de tous et pourtant... et pourtant une certaine part de cruauté le prit. Mais personne n'y fit attention étant donné que chacun la possédait désormais. Tout passa inaperçu, même aux yeux des Dieux.

[...]

Le clan attendait depuis un moment le retour de son meneur. Ce dernier pourtant manquait à l'appel... Il était censé rencontrer de nouveau les autres meneurs. Lüna, dominant en son absence le clan, était plus inquiète encore que les autres. Les oreilles plaquées, elle s'apprêtait à aller le chercher lorsque quelque chose apparut à l'horizon... Une boule de feu. Étonnés, tous restèrent figés par la peur et l'incrédulité. Que se passait-il, qu'est-ce que s'était ?... Pourtant, bien que les flammes s'approchaient - et la chaleur également... Lüna s'avança. Elle observait avec fascination la chose s'avançant à leur rencontre... enfin, comprenant ce qu'il se passait, un grand sourire apparut au bout de son museau et elle se mit à courir jusqu'à Drakar.

Ce dernier, à l'instant où la femelle arrivait, fit disparaître les flammes entourant son pelage noir ; la louve plongea son museau dans le pelage de son meneur, ne pouvant cacher sa fierté. Les Dieux avaient décidés d'accorder aux quatre meneurs quatre pouvoirs élémentaires... et le fier meneur Aluria, Drakar, avait obtenu le pouvoir du Feu.

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Le pouvoir du feu était un pouvoir puissant, mais également dévastateur. Si les membres du clan admiraient sans craintes Drakar, c'était uniquement parce qu'ils vivaient à ses côtés, sous ses ordres, depuis un long moment. Et en quel honneur oserait-il s'attaquer aux siens ? Non, ce n'était pas son genre. Tout le monde acclamait donc ce meneur aux pouvoirs élémentaires surprenants. Et le regard le plus rayonnant de tous venait bien d'une magnifique louve blanche immaculée... Mais hélas, le temps de bonheur ne dura pas, comme à son habitude... Un événement allait se produire, un événement qui allait tout déclencher en Drakar.

Le frère de Lüna n'était pas revenu de chasse. Il était partit seul, personne ne savait ce qui lui était arrivé ; on avait envoyé des patrouilles de recherches, parmi elles sa sœur. Drakar aurait voulu l'accompagner, mais il savait qu'il fallait qu'il reste au campement établi ce jour-ci dans les montagnes. Le sous-chef et le meneur ne pouvaient s'absenter ensembles. L'inquiétude était à son comble, le mâle au pelage sombre passait son temps, dans sa tanière, à "jouer avec le feu", transformant chaque caillou des lieux en un petit tas de cendres. Au bout d'un moment pourtant, un loup se dressa devant sa tanière et annonça le retour de la patrouille de recherches.

Sans hésiter, Drakar s'élança à l'extérieur et alla vers l'entrée du camp... mais ce qu'il découvrit lui glaça le sang. Lüna était là, le regard vague, le pelage tâché de sang... Non du sien. Sur son dos elle portait son frère, mort, simple vie perdue parmi tant d'autres... Le meneur resta un instant vide d'émotions puis soudain la colère et la haine l'empourprèrent. Il tourna un regard sur la louve :

« Qui ?!... »

Lüna baissa la tête. Un autre loup qui se tenait à côté d'elle, voyant son impuissance et sa douleur, décida de répondre à sa place sans aucune hésitation, la voix chargée de la même rancœur :

« On ne sait pas, mais ils étaient plusieurs, on suppose qu'ils étaient d'un des autres clans... »

Un des autres clans... Drakar sentit son échine se hérisser. Comment avaient-ils osé toucher à l'un des siens, qui plus est le frère de Lüna, un ami proche ? La rage au ventre, il se tourna vers la foule qui s'était attroupée autour de la patrouille revenue... cette fois-ci, pas une seule pointe de tristesse. Il était temps de se venger. Drakar se tourna vers les siens et ordonna rapidement :

« Que tout le monde se prépare... La guerre approche, nous ne pouvons laisser faire les autres clans ! Il faut l'enterrer... En attendant que Lüna se remette de ses émotions, Ukrën la rempla...
- .. je veux autant me venger que toi... » Le coupa la louve en relevant le museau, décidée. « Je veux venger mon frère... je n'ai pas besoin de me remettre de mes émotions, j'ai juste besoin de déchirer la chair de ces sales meurtriers. »

Tous restèrent silencieux... Puis enfin Drakar approuva d'un simple signe de tête. Puis tous commencèrent à s'activer afin de préparer la guerre et l'enterrement du guerrier, prêts à assouvir leur sanglante vengeance...

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Endless était resté figé à la nouvelle. Le meneur d'Aluria, le regard posé sur les terres de son ami, restait impassible. Enfin le vieux mâle fit un mouvement vers son fils d'adoption et lui déclara simplement :

« Fais ce qu'il te semble juste. Désormais, tu es un meneur. Ceci n'est plus de mon ressort. Je ne suis qu'un simple solitaire et je me meurs petit à petit... Bientôt je rendrais l'âme, Drakar. Ne compte plus sur mon avis désormais. Tu es assez grand pour prendre tes propres décisions, même une guerre... Quoi que tu fasses, je serais toujours d'accord. Je suis fier de toi. »

Drakar, ému, releva la tête sur Endless. Ce dernier, pour toute réponse, donna un petit coup de museau à son benjamin. Tout allait bien. Tant qu'ils étaient deux, tout irait bien. Et même si un jour le vieux mâle devait rendre l'âme, cela n'avait pas d'importance puisqu'il serait toujours là... Son esprit ne cesserait de suivre celui de Drake. Peu importait ce qu'il ferait, il avait déjà un puissant allié. Un allié faisant de lui quelqu'un de plus fort. Leur lien était presque celui qu'il avait ressenti pour Ittos, son père... mais ces deux amours étaient incomparables, différents. Ce fut donc qu'après cela que Drakar, décidé, se rendit enfin à la cérémonie.

Arrivé en retard pour être donc allé voir le solitaire, il passa cependant tête haute sans un regard pour les autres meneurs jusqu'à sa place. Une fois qu'ils furent placés, l'un des meneurs commença à parler - mais Drakar, qui n'avait pas envie de patienter, lui coupa aussitôt la parole :

« L'un de mes guerriers est mort récemment. Assassiné. J'aimerais savoir quel clan est responsable de ce meurtre. »

Les trois autres meneurs, surpris, se turent... puis se jetèrent des regards méfiants. Cette annonce n'allait pas que créer des conflits ; c'était la fin d'une ère de paix. L'un d'entre eux, cependant, commença à défendre son clan puis, au final, ne jaillit de ces quelques phrases qu'un conflit immense. À la fin, les quatre meneurs tremblaient de rage, Drakar avait enflammé son corps et les flammes s'élevaient haut dans le ciel. Pour conclure la cérémonie, il injuria les trois autres et partit. La guerre était déclarée, officielle.

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Lüna avait été conviée à la tanière de son meneur. Le regard décidé, visiblement encore plus froide qu'elle aurait pu l'être, la jeune louve était prête à assouvir sa vengeance. Ils avaient décidé d'attaquer dès le lendemain l'un des clans. Une guerre générale sans alliance allait être enclenchée, enfin. Peu importait l'avis des Dieux. Drakar, immobile, attendit que son amie le rejoigne avant de pousser un bref soupir. Même s'il avait hâte de faire couler le sang, d'enfin se venger, il songeait encore avec désespoir à la mort du frère de la louve. Il se sentait à la fois responsable et coupable de ces faits. Sans un mot, il observa Lüna. Cette dernière lui rendit son regard longuement, impassible, puis s'approcha de lui et s'allongea à ses côtés en silence.

« J'ai confiance en toi, Drakar. » Confessa-t-elle finalement. « Je sais que tout se passera bien. Cette guerre, nous la voulons tous. Nous allons enfin pouvoir revenir au temps où nous nous battions en tant que solitaires, mais cette fois-ci en un seul bloc... j'ai hâte de me venger. Tout comme je suis fière de pouvoir combattre à tes côtés... »

Et elle lui décerna un petit sourire. Drakar, étonné, sentit un long frisson le parcourir. L'inévitable semblait vouloir se produire. Il détourna le regard. Pourtant, sans faire plus attention à son comportement, Lüna s'appuya doucement sur lui et enfonça son museau dans son pelage. Durant quelques instants, leurs cœurs battirent à l'unisson... Mais lui restait tendu, abattu même. Il ferma les yeux avant de murmurer :

« Ecoute, Lüna, je dois te confesser quelque chose...
- Je t'aime, Drake. Je t'aime. Et peu m'importe le reste. Tu peux ne pas m'aimer, mais tu ne stopperas pas mes sentiments. Je t'ai aimé dès la première fois que j'ai croisé ton regard... Même quand j'ai cru que tu me détestais, j'ai continué à espérer... Je te veux depuis si longtemps...
- Lüna... »

Drakar tourna la tête vers elle et leurs regards s'unirent de nouveau. Lui sentit un long frisson bien habituel le parcourir, puis il baissa les yeux, ne pouvant en supporter plus. Tout lui semblait si dur, tout se compliquait... La guerre n'était rien comparé à ça.

« Je t'ai si souvent désirée... J'étais même jaloux de ton propre frère, instinctivement, mais... mais je ne sais pas si je serais capable de supporter de t'aimer librement. La personne que j'aimais autrefois... que j'avais aimé après une autre, défunte... s'est suicidée, enfin je ne sais pas si c'était un incident mais elle m'a fui et est tombée d'une falaise... parce qu'elle ne voulait pas m'aimer, et... j'ai peur de te perdre toi aussi. »

Surprise, Lüna l'observa longuement ; lui se contenta de baisser le museau, désespéré. Pourtant le jeune louve ne s'éloigna pas, elle resta parfaitement immobile à ses côtés. Son regard brillait d'une lueur étrange, un amour si intense que peu importaient les paroles de son interlocuteur. Elle se mit alors à sourire, un doux sourire qui brisa en un instant les chaînes scellant le cœur de Drakar...

« Idiot ! C'est en disant ça que tu vas me perdre !... »

Et, sans en ajouter plus, elle approcha son museau près du sien et le lécha soigneusement avec une affection telle qu'au lieu d'en frissonner, le jeune meneur se détendit. Le feu même brûlant dans son cœur s'éteignit. Sa fourrure habituellement toujours tiède ou chaude reprenait une température normale aux côtés de celle qu'il aimait. Cette fois-ci peut-être étais-ce la bonne. Mais qu'est-ce qui pouvait bien les séparer ?... Non, il avait le droit au bonheur... qui oserait le lui retirer ?

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La guerre arriva plus vite que prévue. Faute d'avoir trop attendu de mener la première attaque, le clan fut assaillit de toute part. La fougue de Drakar réussit cependant à encourager ses troupes à se battre et tandis que ses ennemis poussaient des cris de douleur en tentant de le mordre, lui qui brûlait comme un brasier, il n'avait qu'une seule envie ; celle du sang. Il déchirait la chair comme jamais, comme si ses derniers combats ne lui avaient pas suffit. Ce besoin de se battre, de tuer, le sang coulant doucereusement dans sa gorge, chaud... Plus chaud encore que son corps embrasé... La folie ? Non, il était plus que conscient, au contraire... Une autre facette de lui venait enfin de se découvrir. La facette du combattant meurtrier. Et elle ne lui déplaisait guère.

Les combats se finirent sans gagnants, mais tous étaient blessés. Drakar lui-même s'en était tiré avec quelques plaies gênantes. Quant à Lüna, elle s'en sortait plutôt bien également ; la fureur l'avait également gagnée et elle était fière de ses troupes, ce qu'elle n'hésitait pas à dire ouvertement aux siens. Tandis que le meneur, le sang dégoulinant de son museau, s'avançait vers la louve blanche tandis qu'elle criait des paroles conquérantes et encourageantes envers les siens, les derniers blessés des autres clans se retiraient parfois sur trois pattes. Au final, tout semblait aller pour le mieux dans le clan Aluria. Une fois qu'il eut rejoindre sa bien-aimée, le loup de feu renchérit quelques mots aux siens avant de décerner un regard unique à Lüna qui le lui rendit bien.

Tous deux passèrent la nuit dans la tanière du meneur, côtes à côtes, pelages mêlés. Personne ne doutait plus de la liaison les reliant et personne ne s'en plaignait ; désormais, Lüna allait sûrement être nommée meneuse à ses côtés et un nouveau sous-chef prendrait sa place. Et puis surtout, comme tous connaissaient autant Drakar que la jeune louve, ils étaient heureux qu'ils soient ensembles, enfin, après tout ce temps d'amitié insolite où ils se jetaient des petits regards fuyants... On imaginait déjà les petits héritiers courant dans les pattes des guerriers, princes de feux... La louve allait sûrement recevoir elle aussi le pouvoir du feu décerné à leur clan d'ailleurs. C'était un grand événement ; deux loups élémentaires pour le prix d'un, le meilleur moyen de gagner haut la patte un combat !...

Mais cet événement n'eut pas lieu. De toute évidence, la guerre les empêchait d'avoir des petits, et puis aucun d'entre eux n'avait encore la mentalité du parent, plutôt du jeune couple fougueux raffolant les longues chasses à deux... Et les combats sanglants qui s'enchaînaient sans qu'ils ne puissent s'en rendre compte, les conflits devenant de plus en plus haineux et tous les clans se déchirants sans cesse...

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Endless mourut le matin-même de ce jour fatidique, ce jour qui allait tout changer.

Toute la nuit Drakar avait veillé sur le corps souffreteux du vieux loup, puis l'avait vu rendre son dernier soupir le matin-même. La déchirure qu'il ressentit au moment où son second père lui donna son dernier regard voulant tout dire fut semblable à celles qu'il avait déjà connu. La haine l'avait quitté le temps d'une nuit et d'un matin tandis qu'en silence il enterrait le corps du loup sur ses terres qui seraient bientôt assaillies par d'autres solitaires puisque personne ne pourrait les surveiller... Cette pensée fut un coup dur pour le jeune loup. Mais c'était ainsi.

Revenant dans le campement établi depuis quelques temps, sous la garde de Lüna durant toute son absence, le jeune meneur décida donc de leur apprendre les dernières nouvelles pour de bon ; il monta sur une pierre afin de dominer la foule et, tête haute, une fois qu'ils furent tous réunis, entama son discours habituel :

« Aujourd'hui est un grand jour. Comme d'habitude, je dois parler aux autres meneurs. Cette fois-ci, je romprais le pacte afin que les meneurs me suivants n'aient pas à se déplacer inutilement pour ces autres meneurs qui suivront ceux que nous connaissons malheureusement tous.. Et si tout se passe mal, je devrais me battre contre l'un d'entre eux. »

Tous restèrent silencieux. Lüna, tête baissée, ne releva pas. Que pouvait-elle dire ? De toute évidence, elle ne pouvait désapprouver cela, il était obligé. Mais un mauvais pressentiment la prenait, depuis qu'il était revenu, Drakar s'était montré encore plus dur que habituellement... et le ciel se couvrait de nuages sombres sûrement envoyés par les Dieux... Un message de prévention ? Dès que son compagnon bondit de sa pierre, elle le rejoignit aussitôt, oreilles plaquées en arrière non de fureur mais de crainte...

« Drakar... Laisse-moi t'accompagner.
- M'accompagner ?... Lüna, je dois d'abord rompre le Pacte avant de choisir d'emmener avec moi mon sous-chef, question de fierté ! Je ne t'ai pas encore donné ton titre de meneuse, mais il viendra, ne t'inquiète pas... Je reviendrais sain à sauf. Tu dois veiller sur le clan.
- Je sais, mais... »

Le meneur resta immobile, neutre, à observer la louve au pelage immaculé de blanc... Un instant elle sembla hésiter puis elle céda finalement avec un petit soupir :

« .. sois prudent. »

[...]

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Le tonnerre grondait au loin. Impassible aux bruits des cieux, Drakar s'avançait sûrement vers le point de rendez-vous. Il était plutôt éloigné de ce dernier et regretta un instant de ne pas avoir déplacé le campement. Plusieurs fois il fut tenté, étrangement, de regarder par-dessus son épaule, mais il fit mine de rien. Pourquoi serait-il inquiet ? Était-ce l'inquiétude de Lüna qui le déchirait ? Ou bien le fait qu'il pourrait ne jamais revenir si jamais les autres meneurs décidaient de l'éliminer en entendant qu'il rompait le Pacte ? Mais pourquoi voudraient-ils le garder puisque, de toute évidence, ils se méprisaient eux aussi mutuellement ?

Un éclair raya le ciel, si proche que Drakar en fut surpris ; le tonnerre pourtant jusqu'alors était lointain, désormais il lui semblait sortir de juste derrière lui... Son instinct le poussa à s'arrêter et durant un instant, il voulut faire demi-tour. Mais pourquoi donc ? Il plaqua les oreilles en arrière et poussa un grondement. Il venait de comprendre, ne bougeait plus, se contentait d'attendre le prochain éclair... et, comme il l'avait prévu, ce dernier tomba droit devant lui, si proche qu'il crut sentir le choc du coup contre son pelage qui s'enflamma automatiquement malgré la pluie, créant de grandes flammes bleues tant elles étaient brûlantes, ne laissant apparaître que ses yeux embrasés.

L'échine hérissée, méfiant et furieux, Drakar montra les crocs à l'apparition l'aveuglant, d'un blanc si pur qu'il en était étincelant. Un Dieu... C'était bien ce qu'il craignait. Les Dieux n'acceptaient pas cette guerre...

« Drakar... de quel droit oses-tu montrer tes crocs devant un Dieu et user de tes pouvoirs que nous t'avons offerts afin de te défendre contre nous ?...
- Vous cherchiez à me tuer ! » Lâcha le jeune meneur, reculant de quelques pas. « Si je n'avais pas l'élément du Feu, j'en serais mort. Et encore, le Tonnerre n'est pas le même élément, et l'eau de pluie m'empêche d'étendre le pouvoir au plus fort de ses capacités...
- Je sais très bien tout cela. Parce que je ne cherchais pas à te tuer.
- Alors que cherchiez-vous ? Gronda Drakar, hésitant.
- Qui te dit que je cherche quelque chose ? »

Le vent se mit à souffler si fort que le feu montant au pelage du meneur, même brûlant, disparut d'un seul coup... Se rendant compte de sa faiblesse, il pâlit. Il n'était qu'un mortel ; que pouvait-il face au Dieu ? Lüna avait raison... mais d'un sens, vu qu'elle n'était pas là, elle ne risquait rien.

« Nous vous avions confiés des pouvoirs élémentaires qu'aucun mortel avant vous n'a jamais eu. Mais vous avez trahis notre confiance en devenant ennemis et en utilisant ce pouvoir afin de répandre douleur et haine... Désormais, vous ne serez plus meneurs d'aucun clan. La vie vous quittera, vous n'en serez pas pour autant morts... Drakar, au nom de tous les Dieux, je te déchue... »

Le loup n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit, de protester ; il lui sembla être prisonnier, ses mouvements ne lui appartenaient plus et son ombre remontait lentement son corps, le recouvrant d'un noir d'encre... Tentant vainement de se débattre, il comprit bien vite qu'il était perdu ; l'ombre commençait à remonter jusqu'à son cou, atteindre ses yeux...

« NON ! »

Drakar aurait voulu tressaillir, il ne put même pas ; une louve au pelage blanc immaculé avait surgit de nulle part et, sans hésiter, avait bondit sur lui, le faisant tomber à terre et empêchant l'ombre de continuer son ascension... Lüna se mit instinctivement devant son bien-aimé, le pelage hérissé, effrayée mais avant tout fière face à ce Dieu. Elle se tourna vers Drakar et, les larmes emplissants ses yeux, se mit à crier de nouveau :

« VA-T-EN ! Pars avant qu'il ne soit trop tard ! Reste auprès du clan, ils ne pourront rien te faire s'il y a des innocents à tes côtés !... Reste toujours auprès d'Aluria...
- Lüna...
- NON ! PARS ! »

Sonné, le jeune mâle fit quelques pas en arrière. La lumière blanche et aveuglante, le Dieu, se mit soudainement à se décupler. Lüna ne bougeait cependant pas, rien pourtant ne l'empêchait de courir et de fuir, mais elle restait plantée là, bien décidée à protéger son compagnon. Drakar, cependant, ne put se résoudre à fuir.

« Pas sans toi, Lüna... Je ne peux pas partir sans toi !
- Promets-moi... de ne jamais abandonner Aluria... promets-moi que tu me rejoindras un jour, Drakar... Promets-le-moi... »

Encore une promesse... Les larmes de la louve dégoulinaient le long de son museau tandis que la lumière s'approchait dangereusement d'elle. Le meneur, d'instinct, fit quelques pas en avant afin de l'inciter à bouger mais à ce moment-là, la jeune louve se tourna vers lui et lui décerna un doux sourire.

« Je t'attendrais à jamais...
- LÜNA, JE TE LE PROMETS, JE T'AIME !... LÜNA !!! »

En un instant, la lumière se fondit en la louve, sans un bruit, sans même que rien ne se passe, elle n'était plus là. Drakar, alors, prenant conscience du danger qui s'approchait de lui, fit volte-face et se mit à courir. Dans ses yeux, les larmes ne pouvaient même pas couler tant la chaleur de son corps était trop puissante. Le désespoir le prit, mais il continua de fuir la catastrophe. Pour elle, seulement pour elle, qui d'autre ?... Il ne fallait pas qu'elle soit morte pour rien, ce serait... ce serait ignoble...

Et pourtant, un éclair fusa juste à côté de lui ; surpris, Drakar fit un saut sur le côté et roula sur le sol. La douleur était si vive qu'il en resta immobile à terre, ne pouvant plus bouger. La lumière s'approchait de plus en plus vite, prête à le happer... Le jeune meneur, cette fois-ci, savait qu'il n'avait pas à se débattre, c'était peine perdue...

« Vous n'êtes pas des Dieux... simplement des monstres... » Lâcha-t-il, tremblant de haine et de dégoût. « Vous avez tué une innocente... tout ça pour me déchure... pourquoi ne pas m'avoir tué directement ?! Pourquoi ?! »

La lumière resta silencieuse, s'approchant au point d'aveugler le meneur, l'obligeant à fermer les yeux, tremblant d'une rancune sans fin... Le silence du Dieu ne fit qu'augmenter l'abattement de Drakar... Doucement, dans un souffle, il murmura :

« Je ne faillirais pas... à ma promesse... Lüna... »

Nous nous rejoindrons juste dans des millénaires... Mais je t'aimerais toujours... C'est toi que j'étais voué à aimer depuis le début... Excusez-moi, River... Lyss...

Et la lumière, en un instant, le pénétra au plus profond de sa chair ; il poussa des cris de douleurs sans fin, comme s'il mourrait à plusieurs reprises, comme si on lui enlevait toute part de mortalité... Et puis, sans qu'il ne comprenne plus, la douleur fut telle qu'il sombra dans l'inconscience la plus profonde...

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« Drakar...
- Drakar ? C'est trop cool comme prénom ! T'es vraiment super, p'pa ! » S'enthousiasma aussitôt le jeune en commençant à bondir dans tous les sens. « Je suis le louveteau le plus cool du clan !
- Hmm...
- Comment ça, "hmm" ? Attends, tu vas voir ! » Éclata de rire le jeune en bondissant sur son père, prêt à engager un jeu...

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Drakar...

Le silence était pesant. Tout n'était qu'ombre, pas une seule once de lumière. Pourtant, dans ce noir complet, on devinait une présence maléfique... Une présence maléfique qui ne se manifesta pas. Comme endormie profondément, ou bien abattue. Depuis combien de temps ce noir intense n'était que le seul paysage possible aux âmes damnées grouillant dans cet enfer sans fin ?...

Drakar...

Ses paupières, doucement, se relevèrent. Ses yeux rougeâtres observèrent en silence le noir habituel, comme s'il était encore dans ses songes. Ses souvenirs. Combien de fois avait-il revécu en boucle sa vie, ses souffrances ? Mais à qui appartenait cette voix ? Il avait oublié... Les sons, la lumière... Tout cela lui semblait bien lointain. Doucement, il fit un léger mouvement de patte ; les chaînes enserrant ces dernières se resserrèrent encore plus, mais il n'eut même pas un sursaut de douleur. Leur cliquetis raisonnait en lui, incessant, rassurant... Cette voix devait faire partie de ses souvenirs...

Il est temps...

Cette fois-ci, le déchu eut un frisson. Un doux frisson haineux. Combien de temps avait-il maudit les Dieux ainsi, enfermé dans cette jolie prison dorée ? Doucement, il hérissa l'échine. La voix continua de raisonner en ces lieux sans fin, d'un noir complet. Comment faisait-il déjà ? Ah, oui... se concentrer... brûler intérieurement... Oui, il était temps... Les crocs serrés, son corps prit de tremblements, Drakar continua d'insister... jusqu'au moment où son pelage commença doucement à changer ; ses poils sombres s'enflammèrent en un seul instant, couvrant tout son corps d'un voile de feu jaunâtre. Même si tout restait sombre autour de lui, les chaînes argentées étaient bien visibles et son corps également.

Malgré le temps qui ne comptait plus en ces lieux, Drakar avait doublé de taille. Plus grand, plus fort, il était également plus sombre. Son regard haineux semblait ne plus avoir aucun sentiment. Il ne s'arrêta pas à ce simple appel de son pouvoir... il augmenta petit à petit ses capacités, malgré la douleur soudaine, malgré le fait que les chaînes reliant ses pattes étaient censées le priver de tout pouvoir... et, subitement, les flammes jaunes virèrent au bleu. C'est à cet instant que les chaînes explosèrent et se dissipèrent dans la noirceur des ténèbres... Poussant un grand cri de rage, le déchu se mit à rire, sentant son cœur battre dans sa poitrine... à nouveau... pourtant, il n'était pas mortel... du moins il ne l'était qu'à moitié...

Sans ces chaînes, je peux à présent utiliser mes pouvoirs... Il est temps, oui... Je ne sais quelle force m'est venue, mais il est temps pour moi de revenir et de défier les Dieux à nouveau... Moi, le Démon...

Puis il arrêta de rire dans ce silence profond, jouissant de sa liberté tout en songeant à voix basse, doucereusement : « Lüna, mon amour... Je vais enfin pouvoir tenir ma promesse... je veillerais sur Aluria de nouveau... »

Et, sans savoir qu'ils avaient oubliés, sans savoir ce qui l'attendait, sans savoir que les autres avaient également brisés leurs chaînes, Drakar s'éloigna d'un pas assuré et lent vers le monde des Mortels... Monde qui était désormais à nouveau sien...

If I can...

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