¤ Une soirée de pluie ¤

[Libre.]

Une pluie fine tombait près de la douce Rivière en cette fin d'après-midi qui s'annonçait mauvaise. Les nuages chargés d’eau s’étendaient à perte de vue sur le ciel gris, et un vent de plus en plus violent soufflait sur les habitants de cette terre. Nombreux étaient les petits animaux, rongeurs et compagnie, qui s'étaient réfugiés dans leur terrier pour ne pas rester dehors au risque de se faire mouiller. Les abords du cours d'eau semblaient vides et étrangement calmes, et aucun bruit, à part celui de l’eau et du vent, ne se faisait entendre.

Pourtant, on distinguait entre les arbres une silhouette sombre se fondant avec le paysage, et on ne pouvait la repérer que parce qu’elle se déplaçait, contraste avec l’immobilité de la flore. Elle marchait lentement et sans un bruit, pour ne pas troubler le silence qui régnait près de la Rivière. Quand elle disparut de derrière les troncs des arbres qu’elle longeait, on put deviner une belle louve au pelage mêlé de gris et de noir. Cette louve approcha de la douce Rivière mais ne mit pas ses pattes dans l’eau froide en ce mauvais temps. Elle se contenta de regarder avec minutie le cours d’eau grisâtre pendant quelques instants, puis de retourner à l’abri des arbres pour se protéger de la pluie qui se faisait à présent plus forte.

Cette louve se nommait Keyra. Elle faisait partie du clan Syad, qu’elle admirait et chérissait par-dessus tout. C’était une noble guerrière qu’il faisait bon de respecter pour son courage et son dévouement. Elle était fière et c’était là un de ses défauts. Keyra, dans sa vie, n’avait pas d’autres buts que de réussir en tant que guerrière. Le reste, elle s’en fichait un peu à vrai dire, et se détendre et sourire n’étaient pas dans ses habitudes. Elle se tenait donc là, à l'ombre d'un grand arbre, le regard fixé à l'horizon et l'air plus sérieux que jamais. On reconnaissait bien là la louve Keyra.

Et cette fierté était tout à son honneur. Une bonne guerrière fière et heureuse de servir son dominant cheminant dans le temps sans trop se poser de question sur son existence. Quoi que, tout loup devait c'être un jour demander quel était leur avenir mais en avait t-ils seulement un? Où n'étaient t-ils que des serviteurs prêts à sacrifier leur peau lors d'une bataille qui ne mênerait en tout point qu'à la destruction et la mort? Oui c'était celle-là leur destiné et le traître qui se faufilait entre les arbres était condamné à la même. Il le savait, mais par dessous tout il voulait accomplir ce pourquoi il était né pour une seule et bonne raison: ne pas perdre le peu de fierté et de vanité qu'il lui restait. Existance malheureuse donc mais existance qu'il c'était choisi et maintenant il était trop tard pour faire marche arrière bien qu'il pouvait encore fuir si il le voulait vraiment mais non. Il était trop fière, trop vaniteux justement pour fuir son destin tout simplement trop loup. Traitryz... Un prénom étrange que son père lui avait donné sans même l'accord de sa mère. Par soucis de tactique avait t-il dit et c'est vrai que le nommer ainsi pouvait éloigner les soupçons mais aussi en attirrer mais enfin dans le pire des cas il pouvait toujours dire qu'il n'était pas responsable des folies exentriques de son paternel.

Le loup sortit de sa douce léthargie et leva la tête aux cieux observant pendant quelques secondes les nombreux nuages chargés d'eau qui déffilaient dans le ciel gris. Un temps bien triste et qui ne faisait qu'augmenter l'envie de meurtre qu'il ressentait. De meurtre? Et oui traître sans doute il n'en restait pas moins loup et quelque fois la solitude ainsi que son rang lui donnait envie de tuer bien que jusqu'ici il ne se permit jamais de lever la griffe sur un loup ne l'ayant agressé. Il marchait. D'un pas lent lorsqu'enfin la rivière lui apparut, là entre quelques arbres. Un mince sourire naquit sur ses babines pour disparaître bien vite et lentement toujours il s'approcha ne prenant la peine de regarder les alentours. En bon traître il savait que quelqu'un était là mais engager la conversation et jouer le gentil garçon, ou le bon-guerrier-qui-n'à-peur-de-rien ne lui plaisait guère aujourd'hui.
Il ne fit alors rien courbant simplemant l'échine lappant quelques peu l'eau avant de s'assoir et de fermer les yeux savourant ce moment de paix ou seul la pluie et le vent pouvait troubler son repos...

Keyra était restée immobile, toujours à l'abri de la pluie par un vieil arbre qui résistait tant bien que mal aux assauts incessants du vent et des rafales. Le regard de la louve au pelage gris mêlé de noir semblait fixé à tout jamais sur ce cours d'eau et de boue, qui avait doublé de volume, tant la pluie tombait. Ses yeux bruns étaient vides, inexpressifs, tentés de l'envie de rester ainsi durant des heures, peut-être même toute la nuit, jusqu'à que la tempête s'arrête et laisse place à un beau soleil et à une nature verdoyante. Elle sortirait alors de sa torpeur et gambaderait joyeusement, insouciante, parmi l'herbe et les paquets de neige fraîche comme cela ne lui arrivait jamais. Mais une odeur ténue fit son apparition olfactive, et la guerrière Syad sortit de sa torpeur et de son vide d'esprit plus tôt que prévu.

Keyra détourna son regard de la douce Rivière qui n'en était plus une, et découvrit à travers les trombes d'eau battantes un autre loup, s'abreuvant de cette eau grise. Le loup inconnu s'assit après s'être désaltéré et la louve en profita pour faire quelques pas dans sa direction. Son odeur se précisa. Oui, Keyra pouvait à présent sentir, malgré la pluie et l'eau, que le loup inconnu ne portait pas l'odeur d'un des clans qu'elle connaissait. C'était donc un solitaire, un sans-clan, ou alors un traître. Peut-être qu'elle se trompait, mais si c'était le cas, le combat devrait s'engager, pour le bien de tous. Le poil de la louve se hérissa, mais cela ne se vit pas puisque toute sa fourrure était trempée. Mais avant d'agresser l'inconnu, Keyra voulait être sûre que c'était bien un traître.

La pluie diluvienne, le vent, le lac se gorgeant d'eau devenant boueux prêt à déborder, la louve certainement une guerrière qui venait de le repérer. Rien ne semblait pourvoir déranger le jeune traître qui restait là immobile, les yeux clos comme endormi. Or si vous l'observiez mieux son visage et son port de queue vous ferez bien comprendre qu'il était à l'affut du moindre bruit, de la moindre odeur... Les oreilles dressées sur sa nuque il percevait tous les bruits de la forêt malgré le vacarne que créait la pluie qui ne cessait de tomber. Son odorat entraîné lui disait que la louve avait changé de position et qu'elle hésitait à présent entre agressivité et neutralité la question du traître qui revient sur les terres tourmentant sans doute son esprit de guerrier. Les minutes passèrent ainsi quand soudain Traitryz ouvrit les yeux et leva la tête aux cieux qu'il fixa un long moment. Que de nuages gris gorgés d'eau, qu'une couleur sombre et inquiétante remplaçant la lueur bleuté du ciel. Aucune présence d'un rayon de lumière et pourtant il savait que le beau temps reviendrait très vite dans deux heures si ce n'était plus tôt et de cette affirmation il sourit avant de se retourner lentement faisant face à la louve là-bas entre deux arbres tout aussi trempée que lui.
Il l'observa pendant un long moment avant de s'approcher lentement d'elle, queue basse signe de neutralité et de respect, oreilles dressées sur sa nuque signe de sympathie et de curiosité Traitryz jouant son habituel rôle de bon loup sans clan son but étant de rassurer la louve sur sa neutralité chose qui ne serait peut-être pas facile car il n'ignorait pas que les guerrier était méfiant et pouvait même se montrer calculateur. Traitryz devrait faire attention à son comportement, à ses mots... Mais pas de panique il était habitué à ça.

"Bonsoir..."

Se fut le seul et unique mot qui prononça de peur d'en faire trop dès la première fois et il se contenta ensuite de s'asseoir laissant tout de même quelques distances entre la louve et lui par simple mesure de précaution mais, aussi pour montrer une fois de plus qu'il était respectueux ne violant pas l'espace de la louve car certains canidés se montrait violent lorsqu'il n'avait pas un espace suffisant pour respirer calmement.
A cette pensée Traitryz sourit comme étonné de savoir tant de choses sur la psychologie des autres canidés.

La pluie tombait tellement à présent qu'il était presque impossible de distinguer quoi que ce soit à plus de dix mètres. Tout le reste était caché par ce rideau de pluie qui ne cessait d'accentuer sa violence. Keyra ne comptait plus que sur son sens auditif pour repérer le loup inconnu qui se trouvait au bord de la Rivière. Sa queue était droite, ses pattes raidies, les poils sur son cou hérissés et les crocs à moitié sortis. Elle se méfiait, en tant que bonne guerrière avertie et désireuse de débarasser tout individu nuisible à son clan. La louve au pelage trempé ne se détendit même pas quand elle entendit l'inconnu lui parler. Enfin si, un petit peu. Ses muscles se relâchèrent et ses crocs plus blancs que neige rentrèrent quand le loup apparut dans son champ de vision. Surtout qu'il n'avait pas l'air très méchant, avec sa voix grave et lente, sa queue baissée et ses oreilles attentives au moindre bruit qu'elle faisait.

Keyra l'observa, elle aussi, avec minutie. Elle était restée immobile et n'avait même pas pris le temps de lui répondre. Mais son instinct lui disait toujours de se méfier, le loup inconnu avait l'air d'avoir une très forte musculature, et des crocs prêts à tout déchiqueter. La guerrière Syad était partagée, non écartelée même, entre deux idées. Celle qui disait que l'individu en face d'elle pouvait toujours se jeter sur elle à tout moment, et l'autre qui rappliquait en disant qu'un loup avec ce comportement de bienvenue pouvait n'être que fiable et sûr de confiance. Et Keyra décida d'attendre la suite pour juger.